Prologue: Attaque dans la ruelle.
Le Chemin de Traverse semblait plus calme que d'habitude ce soir-là, l'ambiance animée et pleine d'agitation de la journée avait laissé la place à un silence lourd planant entre les rues. Alfred Reinick, Auror du ministère de la magie, se dirigeait chez lui, ses pas résonnant dans les ruelles pavées. La lueur de la lune projetait des ombres inquiétantes et transformait le moindre pavé irrégulier, la moindre poubelle en une créature surnaturelle prête à vous sauter dessus dès que vous détourneriez le regard.
Une pluie fine commença à tomber. Lâchant un juron dans sa barbe, Alfred pressa le pas tentant de protéger tant bien que mal les livres qu'il avait achetés. Un pressentiment le saisi, depuis qu'il avait quitté Fleury et Botts, une étrange impression de malaise le tenaillait, il se sentait observé. Il n'entendait rien d'autre que le murmure de la pluie et le claquement de ses pas sur les paves pourtant il le présentait… il n'était pas seul.
Il s'arrêta net sous le porche d'une enseigne éteinte et parcourra la rue du regard, il était seul, à cette heure-ci ce n'était pas normal. Il attendit un instant. Rien. Il n'entendait que les battements de son cœur qui battaient furieusement dans sa poitrine. Un frisson glacé le parcourut. Quelque chose clochait, tout lui paraissait bien trop calme, son instinct d'Auror lui hurlait de faire demi-tour, il jeta un œil sur sa gauche, son appartement était à deux pas, il allait s'élancer quand l'attaque surgit des ombres.
Un premier éclair rouge fusa sur sa droite le manquant de peu. Alfred se jeta en arrière, sa baguette apparut dans sa main dans un réflexe parfaitement maitrisé. Sans attendre, il riposta aussitôt, envoyant un sort d'entrave en direction de son adversaire. Un impact sourd et un grognement lui indiqua que son sort avait atteint sa cible. Avec un soupir de satisfaction, Alfred se releva. Mais ses agresseurs étaient plusieurs.
Un deuxième assaillant s'élança sortant de l'ombre du premier, d'un geste rapide sa baguette jaillit de sous sa cape sombre.
- Expulso!
Alfred leva sa baguette, mais trop tard, le sortilège le heurta de plein fouet sur le torse, le projetant violemment contre le mur. Sa tête heurta violemment la pierre. Un éclair de douleur, puis plus rien.
Le silence retomba sur la ruelle, seulement interrompu par la pluie qui tombait drue à présent. L'auteur de la dernière attaque se baissa près de son acolyte:
- Tu t'en remettras?
Un grognement agacé lui répondit tandis que son auteur se remettait difficilement sur pied. Un troisième individu, une femme, apparut devant eux et s'agenouilla près du corps inerte de l'Auror, elle posa doucement deux doigts sur sa gorge.
- Il respire encore, t'aurait pu le tuer Alexei déclara-t-elle une pointe de reproche dans la voix.
Le dénommée Alexei ne daigna pas répondre, sans perdre un instant il s'approcha et s'accroupi à son tour près d'Alfred, lentement il leva sa baguette et la présenta au-dessus de la poitrine de l'homme inconscient. Une étrange lueur argentée apparut, avec précision l'homme commença à tracer ce qui s'apparentait à une rune. La concentration se lisait sur son visage, l'exercice semblait lui demander toute son attention et son énergie. Légèrement en arrière, ses deux acolytes montaient la garde, leurs regards alternants entre le rituel qui se déroulaient sous leurs yeux et la ruelle. La lueur argentée pris un éclat bleuté, une seconde rune apparut au-dessus de la première, plus large son contour frémissant sous l'effet du sortilège.
Alors qu'elle observait les deux coté de la ruelle le pied de la jeune femme cogna contre un objet dur, baissant les yeux, elle aperçut éparpillés les livres qu'Alfred avait laissé tomber dans la bataille. Des symboles étranges sur l'un des livres, attirèrent son attention, intriguée, elle s'abaissa et parcourut du regard sa couverture, elle s'apprêtait à l'ouvrir pour l'étudier quand un raclement de gorge derrière elle, la ramena à la réalité, le troisième homme l'observer d'un air mauvais.
- Repose ça, on n'est pas là pour ça.
- T'occupe répondit-elle en levant les yeux au ciel. Je sais ce que j'ai à faire.
Avec dépit elle reposa le livre à sa place. Une vibration dans l'air leur indiqua que le rituel arrivait à sa fin. Une troisième rune orangée plus complexe apparut au-dessus des deux autres. Brusquement, une onde magique jaillit du corps d'Alfred, projetant un souffle invisible autour de lui. Une étrange résonnance tinta à leurs oreilles signe que le rituel avait réussi.
- C'est fait murmura Alexei à bout de souffle. Il faut que l'on reparte, cela a déjà pris trop de temps.
- Attend répondit l'autre homme. Il reste une chose à faire.
Il se pencha et récupéra la baguette d'Alfred puis il se tourna vers la jeune femme qui avait toujours le regard tourné vers les livres éparpillés au côté de l'auror inconscient.
- Elvie! tu sais ce que tu as à faire!
La jeune femme le regarda avec appréhension et lentement elle se saisit de la baguette avec répulsion. Elle savait que ce qu'elle s'apprêtait à faire était un tabou, une fois fais il n'y aurait pas de retour en arrière pour elle, il s'agissait de sa mise à l'épreuve, elle en avait jeta un dernier regard aux deux hommes qui l'observait, Alexei restait impassible mais le deuxième commençait à s'impatienter. Elle ne pouvait pas se permettre d'hésiter plus longtemps, réprimant le dégout qui montant en elle, elle inspira un grand coup ses doigts se crispant sur le bois poli.
D'un geste sec elle brisa en deux la baguette qu'elle tenait entre les mains.
Une petite étincelle jaillit de la baguette tandis que les dernières émanations de magie se dissipait dans l'air.
Les deux hommes échangèrent un regard et sans un mot transplannèrent laissant Elvie dans la pluie battante. La jeune femme sentit les larmes poindre aux coins de ses yeux, elle s'appuya sur le mur à côté d'elle un instant le temps de reprendre ses esprits. Elle respira doucement, une fine buée s'échappant de ses lèvres, la pluie l'avait trempée complétement mais elle s'en fichait, elle observait l'homme encore inconscient et qui n'avait encore aucune idée de ce qui lui était arrivé. Il semblait presque serein, endormi.
Elle l'avait fait, elle avait fait ce que l'on attendait d'elle, elle avait prouvé son appartenance à l'ordre et cela même Alexei ne pourrait venir le lui reprocher.
Un bruit proche l'arracha à ses pensées, son cœur manqua un battement et la peur d'être surprise l'étreignit. Elle s'apprêta à transplanner à son tour, quand son regard se posa sur le livre aux symboles étranges qui l'avait interpellé plus tôt, prise d'une soudaine impulsion elle se pencha et d'un geste rapide l'attrapa. Un instant plus tard elle disparut dans un bruissement de cape.
Au petit matin, la pluie battante avait effacé toute trace de lutte.
Soudainement, un cri résonna et une effervescence monta dans tout le Chemin de Traverse.
Le corps, apparemment indemne, de l'auror Alfred Reinick gisait sur les pavés détrempés, inconscient sa baguette brisée posée religieusement sur sa poitrine – comme un avertissement silencieux.
