Chapitre 5 : Korobana

Le navire tanguait doucement en approchant des quais d'Alabasta, un vent sec balayant la mer calme et déserte. Lise, assise dans l'ombre d'un coin discret du pont, observait le port qui s'étendait devant elle, la silhouette massive de la ville défigurée par la chaleur et l'horizon flou. Elle ne pouvait s'empêcher de plisser les yeux sous la pression du sable qui s'élevait dans l'air brûlant.

Elle n'était plus la médecin Bella. Non, aujourd'hui elle était redevenue Lise, la pirate. La commandante de Carl Snow, la capitaine des Colorless Butterfly, une criminelle recherchée avec une prime de deux cents millions de beryls. Une prime qui, à chaque instant, la faisait se sentir traquée. Lise savait très bien que sa tête valait une fortune, que des chasseurs de primes se faisaient un devoir de la traquer, peu importe où elle allait. C'était une véritable malédiction, mais aussi une force. Aujourd'hui, la situation exigeait la discrétion. Il fallait qu'elle se cache, qu'elle s'efface au milieu de l'anonymat.

Ses mains, gantées de noir, se resserraient autour de la barre du pont, et ses yeux, dissimulés derrière des lentilles de contact d'un marron pâle, scrutaient chaque mouvement en bas. Elle n'était pas là pour être vue. Elle était là pour disparaître dans la foule, se fondre dans l'invisible. Lise ne pouvait pas se permettre d'être repérée. Pas aujourd'hui.

Elle avait pris ses précautions. Une longue burka blanche drapée sur son corps, parfaitement ajustée pour dissimuler sa silhouette et son visage. Un tissu léger, mais d'une coupe traditionnelle arabe, brodé de motifs géométriques discrets. Elle avait couvert son visage sous le voile, ne laissant visibles que ses yeux — et encore, ces derniers n'étaient pas vraiment les siens. Les lentilles, comme une seconde peau, étaient un détail qui garantissait qu'elle restait invisible aux yeux des autres. Pour parfaire son déguisement, elle avait ajouté une paire de lunettes noires, l'aidant à dissimuler encore plus son identité. Rien ne devait trahir sa véritable nature.

Le vent brûlant d'Alabasta fouettait son voile, s'insinuant dans chaque repli du tissu. L'air sec, lourd de sable et de chaleur, la gênait. Le sable, encore plus agressif ici qu'au large, se glissait sous sa burka, irritant sa peau. À chaque souffle du vent, une fine pluie de grains venaient frapper son visage. C'était insupportable. Mais Lise, la pirate aguerrie, se contenta de serrer les dents.

Elle plissa les yeux sous la lumière aveuglante. Son esprit restait concentré. Chaque détail devait être calculé. Lise observa, une fois encore, l'agitation autour d'elle. Les gens se pressaient sur le port, certains se dirigeant vers les étals, d'autres négociant des prix avec des marchands locaux. À chaque mouvement, elle analysait, prêtant attention aux gens autour d'elle. Un chasseur de primes, un espion, un soldat... Qui sait ? Dans cette ville, on pouvait toujours croiser un visage que l'on aurait préféré ne jamais voir.

Nanohana. Les couleurs chaudes et terreuses de la ville se fondaient dans un dégradé de bruns et d'ocre, tandis que les bâtiments, anciens et imposants, se dressaient en arrière-plan, leur architecture inspirée par des siècles d'influences orientales. Les murs en pisé, d'un jaune-orange presque doré sous l'effet du soleil de l'après-midi, semblaient se fondre dans le paysage environnant, comme des pierres tombées du désert lui-même.

Les ruelles de la ville étaient comme un labyrinthe de petites allées, étroites et sinueuses, bordées de boutiques bondées. Des étals de marché s'alignaient, recouverts de tissus colorés et de poteries traditionnelles, tandis que des épices aux senteurs entêtantes flottaient dans l'air sec. Le cliquetis des objets métalliques se mêlait au brouhaha des voix, les marchands criant leurs prix avec un accent chantant, tandis que les passants se hâtaient, absorbés dans leur quotidien.

À l'extérieur du port, des chameaux étaient alignés, portant des cargaisons de fruits et d'épices, leurs pas réguliers sur le sable moelleux du désert résonnant comme des tambours lointains. L'odeur chaude de la terre, du sable et des épices emplit l'air, un mélange qui enivrait et alourdissait l'atmosphère.

Les portes en bois sculpté s'ouvraient, créant des ombres et des lumières dans lesquelles se mouvaient les habitants. Des figures portant des turbans et des vêtements amples s'avançaient d'un pas mesuré, sans jamais se hâter. Des femmes couvertes de voiles traversaient les rues sans émettre un bruit, leurs yeux observant tout autour d'elles avec une discrétion impressionnante.

Lise ajusta son voile une nouvelle fois, s'assurant que sa silhouette était toujours camouflée dans la tenue, le blanc éclatant du tissu contrastant violemment avec le sable doré qui l'entourait. Ses lunettes noires, cachées sous le tissu léger du voile, ne laissaient rien paraître, mais ses yeux perçaient le monde autour d'elle, épiant chaque mouvement, chaque geste.

Elle se faufila dans une ruelle adjacente, son corps se fondant dans les ombres des murs. Là, la chaleur était encore plus étouffante. Elle s'arrêta un instant pour reprendre son souffle, ajustant son voile et ses lunettes une dernière fois avant de se mêler à la foule. Le bruit du marché était presque assourdissant, mais il était parfait pour elle. Là, parmi les cris des marchands et le parfum des épices, elle était juste une autre silhouette perdue dans la masse.

Lise se faufila dans les ruelles étroites de Nanohana, s'enfonçant dans les profondeurs de la ville à la recherche d'un guide. Les bruits de la ville étaient omniprésents, mais elle restait concentrée sur sa mission. Elle avait entendu quelques passants parler des marines qui fouillaient le port à la recherche de l'équipage des Chapeaux de Paille. L'équipage du rookie Luffy. Elle avait jeté un coup d'œil à son avis de recherche un peu plus tôt et, franchement, elle avait été déçue.

Sa prime était ridiculement basse, encore un débutant. À peine quelques dizaines de millions de berrys, un enfant de plus qui n'avait pas encore appris les vraies règles du jeu. Et à en juger par le sourire éclatant figurant sur son avis de recherche, c'était un idiot. Un gringalet qui se prenait pour un grand pirate. Sa prime ne méritait même pas d'être remarquée dans un monde où des figures comme la sienne se battaient pour une place parmi les plus grands. Il semblait juste être une distraction sans grand intérêt. Pourtant, la situation autour de ce Luffy l'intriguait, en particulier avec la marine qui semblait tellement déterminée à le capturer. Et puis … elle avait déjà entendu ce nom quelque part… Monkey D Luffy… Monkey D Dragon… Monkey D Garp… ils n'étaient tout de même pas tous apparentés si ?

Lise secoua la tête. Ce n'était pas ses affaires. Elle n'était pas là pour ça. Elle devait continuer sa route. Mais une diversion, comme cette histoire de Chapeaux de Paille, pourrait bien lui servir. Les marines étaient déjà occupés à fouiller la ville, et la pagaille qui en résulterait pourrait lui offrir la couverture dont elle avait besoin pour avancer.

Elle marcha plus rapidement, le visage caché dans les plis de son vêtement traditionnel. Puis, alors qu'elle se glissait dans une ruelle plus profonde, elle percuta un torse musclé. Un choc brutal qui la fit vaciller en arrière. Avant qu'elle ne puisse réagir, une poigne ferme la saisit par la taille et la tira contre un torse dur comme de l'acier.

Lise, alerte, leva immédiatement les yeux pour croiser un regard dur et perçant. Il avait des cheveux blancs, coupés en brosse, un cigare coincé entre ses lèvres malgré la chaleur écrasante, et d'autres cigares accrochés à son manteau, comme si c'étaient des balles dans un porte-cartouche. Un manteau blanc, épais, rembourré de fourrure, qui ne semblait pas du tout adapté à la chaleur de Nanohana. Un détail qui fit sourire Lise intérieurement, mais elle n'avait pas le temps de s'attarder sur cela.

L'homme la regarda intensément. Son regard était presque orageux, un regard qui ne semblait jamais apaisé, une colère prête à éclater à tout instant. Il ne lui laissa pas beaucoup de temps pour réfléchir avant de parler :

"Désolé, je ne vous ai pas vue." Sa voix était grave, un peu rugueuse, mais pas inamicale. Pourtant, il avait ce quelque chose dans l'attitude qui suggérait que cet homme ne se contentait pas de faire les choses à moitié.

Lise se redressa rapidement, feignant l'indifférence tout en évitant de croiser de nouveau son regard. Elle lui lança un simple :

"Pas de mal."

Elle tenta de s'échapper de sa prise, mais l'homme ne la relâchait pas immédiatement. Un instant, leurs yeux se croisèrent de nouveau, et Lise sentit une étrange pression dans l'air autour d'eux, comme si cet homme pouvait voir au-delà de son masque. Mais elle n'avait pas l'intention de perdre plus de temps. Il fallait qu'elle parte, rapidement.

"Vous n'êtes pas du coin, non ?", lança-t-il alors en la scrutant.

Lise hésita, prenant un instant pour observer son interlocuteur. Ses yeux ne pouvaient pas le tromper, il semblait détecter la moindre anomalie, chaque mouvement, chaque détail.

"Je suis juste de passage.", répondit-elle calmement, avec une touche de défi dans la voix.

L'homme la scruta plus longuement, son regard pénétrant analysant son accoutrement et son comportement. Mais il ne dit rien de plus. Peut-être sentait-il que l'étrangère devant lui n'était pas une menace immédiate.

.Elle tourna légèrement la tête, prête à s'éloigner, quand soudain une voix féminine perça le silence :

"Capitaine ! Enfin je vous trouve !"

Lise se figea un instant. La jeune femme s'élança vers l'homme à la chevelure blanche, un air pressé sur le visage. Elle ajusta ses lunettes d'un geste rapide, sa silhouette dévalant la rue poussiéreuse.

"On a une piste concernant le chapeau de paille : il aurait été aperçu dans un restaurant avec un autre pirate ! Devinez qui ! Ace aux poings ardents. Que fait un commandant de Barbe Blanche ici ?"

Lise, discrète et attentive, sentit une vague de tension s'installer dans l'air. Ace… Luffy… Ce n'était pas juste une distraction maintenant. Elle observa la scène sans bouger, ses pensées vives. Tashigi, un lieutenant de la Marine, ne semblait pas avoir remarqué sa présence pour l'instant, mais elle continuait à fixer Smoker, son attention portée sur le rapport qu'elle venait de lui donner.

Mais alors, comme si le destin avait voulu lui donner une nouvelle complication, Tashigi tourna brusquement les yeux vers elle. Lise se figea. Un instant de trop. La femme semblait avoir vu quelque chose qu'elle ne s'attendait pas à voir.

"Mais cette épée ! Cette épée, c'est Kōrōbana ! Un des Meiken !" Tashigi s'avança d'un pas, son ton trahissant une surprise mêlée d'admiration. "J'aurais jamais cru la voir en vrai ! Comment vous l'êtes-vous procuré ?"

Le nom de l'épée frappait Lise comme un coup de poignard dans le dos. Kōrōbana. Elle avait pris soin de garder son arme cachée, mais il n'avait pas été difficile de la reconnaître pour quelqu'un comme Tashigi. Lise serra les poings sous sa burka, et un frisson d'adrénaline parcourut ses veines. Ce n'était pas juste un problème de reconnaissance. C'était un problème de réputation. Kōrōbana n'était pas une épée ordinaire. C'était un Meiken, une lame légendaire dont l'histoire traversait le monde.

Lise sua à grosses gouttes sous sa burka. Kōrōbana… La "Fleur dansante de lumière". Une des douze épées les plus puissantes du monde. Une lame si légendaire qu'elle ne pouvait qu'exposer son propriétaire à tous les regards. À cet instant précis, elle savait que c'était une erreur de l'avoir laissée visible, ne serait-ce qu'un instant.

Car cette épée n'était pas juste une relique de collection, ni un simple sabre réputé. Non. Elle était unique, resplendissante, reconnaissable entre mille. Et pire encore, la seule personne qui avait été vue avec était la Ballerine Céleste.

Lise sentit un frisson glacer son dos. Si Tashigi fait le lien…

Ses yeux balayèrent rapidement le visage des deux marines. La jeune femme ajustait encore ses lunettes, fascinée par la lame, comme si elle peinait à croire ce qu'elle voyait. L'homme, lui, fronça les sourcils, l'ombre d'une suspicion s'installant dans ses traits durs.

Pas une seconde de plus à perdre.

D'un mouvement fluide, Lise planta son pied au sol et activa son fruit du démon. Une impulsion, et son corps se projeta vers le haut avec une vitesse fulgurante. En un battement de cœur, elle quitta le sol, laissant derrière elle un nuage de poussière dorée.

"Merde !" jura Smoker, les cigares dansant entre ses lèvres.

Tashigi, stupéfaite, leva la tête vers le toit où Lise venait d'atterrir avec une grâce aérienne.

"Capitaine ! Elle— Elle a un Fruit du Démon !"

"Pas besoin de me le dire, je vois bien !" grogna-t-il en attrapant son jitte.

Mais Lise ne comptait pas leur laisser une chance de réagir. Sans attendre, elle s'élança de toit en toit, bondissant avec une légèreté déconcertante, filant dans les hauteurs de Nanohana comme un papillon insaisissable.

Derrière elle, des cris retentirent. Les marines, alertés par le bruit, commencèrent à lever les yeux, certains pointant leurs fusils. Mais elle était déjà loin. Son cœur battait à tout rompre, mais son esprit restait focalisé sur une seule chose : disparaître avant que son surnom ne soit prononcé.

Si la Ballerine Céleste était découverte ici, la Marine ne mettrait pas longtemps à faire le lien avec la capitaine des Colorless Butterflies.

Et ça… elle ne pouvait tout simplement pas se le permettre.

A suivre…