Chapitre 7 : La cité des rêves
Rainbase, surnommée la "Cité des Rêves", ne ressemblait à aucune autre ville du monde. En plein cœur du désert, elle brillait telle une étoile déchue, son éclat ininterrompu capturant l'attention de tous ceux qui osaient s'en approcher. Les néons et les lumières artificielles faisaient rivaliser la nuit avec le jour, et chaque coin de rue semblait baigné dans une mer de scintillements. Les bâtiments, ornés de verre et de métal, brillaient à en aveugler les passants, tandis que l'ombre des grandes structures déformait la lumière, créant des éclats d'ombres dansantes.
Au centre de la ville se dressait la gigantesque pyramide de Rain Dinners, un casino dont la forme imposante dominait le paysage. Cette pyramide était l'emblème de Crocodile, son sommet couronné par un bananawani doré, une créature monumentale qui surveillait la ville d'un regard perçant, comme si elle était prête à se jeter sur toute personne osant défier son maître. Le bâtiment était l'édifice le plus reconnaissable de la ville, avec des murs de verre poli et des néons éclatants qui se reflétaient à perte de vue.
Les rues étaient un enchevêtrement de lumières et de bruits. Ici, les palanquins et les porteurs glissaient silencieusement entre les bâtiments ornés. Des hommes et des femmes en tenues de soie ou de lin, richement vêtus, se faisaient transporter dans des palanquins décorés, suspendus par des cordes dorées, les porteurs suivant un rythme précis entre les avenues bondées. Certains passants se déplaçaient à pied, mais la majorité préférait la tranquillité des porteurs, dont la rapidité était mise à l'épreuve dans les rues animées.
Le sol était fait de marbre poli, qui capturait chaque éclat de lumière. Des statues de pierre sculptées à la perfection se dressaient le long des rues, représentant des figures mythologiques ou des animaux majestueux. Certaines étaient des œuvres monumentales, d'autres plus discrètes, mais chacune témoignait de la richesse infinie de cette cité. Les statues semblaient observer les passants, leur regard gravé dans la pierre, figé dans le temps. Certaines, placées stratégiquement, étaient éclairées par des projecteurs qui mettaient en avant chaque courbe et chaque détail, donnant l'impression que la ville elle-même respirait à travers ces sculptures.
Les néons scintillants et les hologrammes géants projetaient des images vibrantes dans l'air, des affiches animées de jeux de casino, de pirates et de machines à sous qui clignotaient en continu. Les enseignes flottaient en grande partie au-dessus des rues, offrant aux visiteurs un aperçu constant des plus grands plaisirs que Rainbase avait à offrir : "Le Paradis du Jeu", "La Légende du Jackpot", "Les Merveilles de la Fortune". Des hologrammes de personnages célèbres, pirates et célébrités locales, dansaient dans les airs, attirant les regards curieux de ceux qui s'attardaient sous les lumières vives.
Les casinos, bars et établissements de jeux étaient éparpillés partout dans la ville, chacun avec sa propre allure. À l'intérieur, des machines à sous, des tables de poker et des roulettes tournaient sans fin, des piles de jetons d'or s'empilant à des hauteurs vertigineuses, tandis que les cris des gagnants et des perdants se mêlaient au son des machines. Le murmure incessant des conversations, l'odeur du parfum sucré des riches et des jeux d'argent se mélangeaient dans l'air, tandis que les serveuses, vêtues de robes scintillantes, servaient des cocktails avec des sourires parfaits et professionnels.
Les passants déambulaient dans les rues pavées, des lunettes de soleil démesurées cachant leurs regards et des tenues extravagantes attirant l'attention. Des bijoux en or, en argent et en pierres précieuses scintillaient à chaque coin de rue. Des hommes en costumes et femmes en robes décolletées se mêlaient à des pirates au regard dur, des marchands de tout genre, et des personnages à l'aura dangereuse. C'était un endroit où l'extravagance n'avait pas de limites et où le vice s'exposait sans honte. Tout le monde avait une histoire à raconter, ou un secret à cacher, mais au fond, ce n'était qu'une grande scène où chacun jouait son rôle.
Le nom de Crocodile était partout. Son pouvoir se faisait sentir à chaque ruelle, chaque casino, chaque bar. C'était lui qui dirigeait ce royaume de luxe et de corruption. Dans cette ville où tout était permis, il régnait sans partage, ses ennemis aussi nombreux que ses alliés, mais tous étaient tenus par un même fil invisible : celui de l'argent, du pouvoir et du plaisir. Une ville où l'apparence était tout, où les illusions étaient monnaie courante, et où Crocodile, le maître de tout, attendait que ses désirs soient satisfaits.
Du moins, plus pour très longtemps. Lise se promenait en ville et avait changé de burka, désormais elle en avait mis une noire, brodée de perles et de paillettes, très luxueuse. Le tissu caressait sa peau avec la douceur d'un velours fin, et chaque mouvement faisait scintiller les broderies sous le soleil écrasant. Dans cette ville, pour se fondre dans la masse, il fallait être riche. Les rues pavées de marbre blanc regorgeaient de silhouettes opulentes, drapées de soies et de bijoux clinquants. Tout ce qui paraissait pauvre était traité avec mépris, à peine digne d'un regard, comme une ombre indésirable parmi les dorures et les effluves d'encens.
Et aujourd'hui, elle allait devenir la femme la plus riche des environs une fois qu'elle aurait recouvré la dette que leur devait Crocodile. Avec les taux d'usure ça lui faisait trois milliards tout rond. Trois milliards. De quoi acheter cette ville, s'il lui prenait l'envie. De quoi en renverser les puissants et en faire ses marionnettes. De quoi faire plier même ceux qui se croyaient inatteignables. Ses pas étaient silencieux sur les pavés, mais son ombre, elle, semblait déjà engloutir le territoire qu'elle venait réclamer.
…
Sur le chemin, elle avait entendu de nombreuses rumeurs de coups d'États, d'une guerre entre le Chapeau de Paille et Baroque Works, l'organisation de Crocodile. Les murmures se glissaient entre les passants, se diluaient dans l'air chaud et poussiéreux des rues bondées. En effet, il semblerait que ce dernier ait fait de son mieux pour dissocier ses activités peu recommandables avec son identité publique. Un masque soigneusement sculpté, une façade respectable pour masquer les entrailles corrompues de son empire.
Un peu comme elle, qui permettait à un homme de son équipage d'être le chef d'une société d'usuriers et d'une organisation de chasseurs de primes alors qu'elle ressemblait à un gentil médecin. Son apparence douce et son sourire professionnel faisaient d'elle l'image parfaite d'une bienfaitrice, mais sous cette illusion, elle tirait les ficelles. La seule chose qui l'exaspérait, c'était d'avoir dû quitter Water Seven et de potentiellement avoir mis sa couverture en danger. Loin de ses repères, dans cette ville où tout se jouait sur les apparences et l'argent, elle se savait en territoire précaire.
Monsieur Lucci était un homme trop observateur à son goût. Il n'avait rien dit, mais elle savait qu'il avait vu. Qu'il avait noté ses absences, sa manière de disparaître sans laisser de traces, ses échanges murmurés. Un homme comme lui ne posait pas de questions inutiles, mais il emmagasinait chaque détail. Et tôt ou tard, il ferait le lien.
Et tôt ou tard, elle serait obligée de partir. Ce qu'elle déplorait. Water Seven lui convenait, et elle espérait avoir plus de temps pour se remettre de ce terrible combat qu'elle avait eu avec un des fils de Big Mom. Cet homme était tellement fort qu'il l'avait gravement blessée, et qu'il lui fallait encore du temps pour se remettre. Son corps portait encore les stigmates de cet affrontement : des douleurs lancinantes sous la peau, des cicatrices qu'elle camouflait sous ses vêtements luxueux, et cette fatigue persistante qu'elle n'osait pas montrer.
Alors, elle avait cherché conseil auprès de sa mère adoptive, cette vieille carne impitoyable qui restait malgré tout le meilleur médecin de Grand Line, le docteur Kureha. Les retrouvailles ne s'étaient pas bien passées. Elle s'était fait traiter d'idiote avant même d'avoir pu expliquer la situation, accueillie par une volée d'insultes bien senties et une bouteille de rhum lancée en guise de bienvenue. Lise constata que Kureha l'avait vite remplacée par un nouvel animal de compagnie : un renne parlant du nom de Chopper. Un gamin naïf aux grands yeux pleins d'admiration, pendu aux lèvres de la vieille sorcière comme un chiot avide d'affection.
Cela l'avait exaspérée. Pas à cause du renne en lui-même—après tout, il était encore jeune, et son talent pour la médecine était indéniable—mais parce que Kureha, elle, n'avait jamais eu la moindre parole douce pour elle. Lise n'avait jamais eu droit à cet encouragement, à cette fierté non dissimulée. Seulement des reproches, des ordres, et ce regard qui lui disait toujours qu'elle aurait pu faire mieux.
Tandis qu'elle marchait dans la rue, en direction du Rain Dinners, elle serra les dents. Malgré tout, cette femme était la seule qui avait daigné recueillir une gamine mourante échouée d'un naufrage à Drum, affamée et sur le point de mourir. Un souvenir lointain, presque irréel, tant le froid de cette île et la douleur de ces jours passés à dériver lui semblaient appartenir à une autre vie.
Kureha lui avait donné un nom et un prénom, l'avait nourrie, logée, blanchie, et lui avait appris tout ce qu'elle savait de la médecine et du monde. Mais en retour, elle avait dû accepter son caractère horrible, la solitude qu'elle lui imposait, sa haine et son rejet des enfants. Elle avait dû grandir très vite, au risque d'être blessée plus qu'elle ne l'était déjà. Pas de mots réconfortants, pas de bras pour la serrer quand elle tremblait de fièvre après des jours d'entraînement ou d'apprentissage épuisant. Seulement des ordres, des remarques cinglantes et une exigence constante, impitoyable.
Kureha n'avait jamais eu de patience pour les humains, elle les trouvait ennuyeux et insipides. À se demander pourquoi elle l'avait recueillie, elle. Lise s'était posé la question des centaines de fois, mais elle n'avait jamais osé lui demander. Peut-être que, dans un moment d'égarement, la vieille carne avait vu en elle autre chose qu'une simple gamine condamnée. Ou peut-être que c'était simplement un caprice, une lubie dont elle s'était lassée en voyant Chopper débarquer dans sa vie.
Elle chassa ces pensées d'un soupir agacé. Peu importait. Kureha l'avait formée à survivre, et elle comptait bien lui prouver qu'elle était allée plus loin que ce que la vieille avait pu imaginer.
Elle arriva devant les portes du Rain Dinners, l'imposant casino de Crocodile, où les lumières tamisées et les éclats d'or promettaient fortune et perdition. Des vigiles massifs, aux visages aussi expressifs que des statues de pierre, l'arrêtèrent d'un geste autoritaire. Mais il ne suffit qu'elle ne montre que son visage pour qu'ils la laissent passer.
Son voile, bien que pudique, épousait toutes les courbes de son corps, le rendant très révélateur sous la lueur chaude des lanternes suspendues à l'entrée. Un léger mouvement, une inclinaison subtile, et les perles brodées sur le tissu scintillèrent comme une constellation vivante. Les vigiles, malgré leur rigidité, n'étaient pas insensibles à cette vision. Ils avaient reçu comme ordre de laisser les jolies filles passer pour les clients.
L'un d'eux détourna les yeux avec une mimique vaguement satisfaite, tandis qu'un autre se contenta d'un hochement de tête entendu. Lise ne fit aucun commentaire, se contentant de franchir l'entrée d'un pas assuré. Elle n'était ni une cliente ni une courtisane, mais ce soir, elle allait jouer son rôle à la perfection. Après tout, trois milliards l'attendaient à l'intérieur.
…
Lise avança dans la salle de jeu, son voile effleurant le sol luxueux, glissant entre les tables où la fortune et la ruine se jouaient en un lancer de dés. L'air était chargé d'excitation et de désespoir, mêlant la fumée des cigares aux parfums capiteux des courtisanes qui riaient aux éclats, agrippées aux bras de riches imbéciles.
Au fond de la pièce, sur un gigantesque canapé de velours pourpre, trônait Crocodile. L'œil vigilent et attentif, il observait la salle avec une tranquillité qui ne trompait pas : rien ne lui échappait. Entouré de femmes sublimes, sans doute des prostituées, il était comme un dieu du vice, un empereur régnant sur un empire de mirages. D'un sourire moqueur, il regardait du haut de son estrade les mortels s'étrangler sur des mises qu'ils ne pouvaient pas se permettre, poussés par l'illusion d'un coup de chance.
Quand elle entra, leurs regards se croisèrent une fraction de seconde. Juste un battement de cils, mais suffisant. Lise vit une lueur d'intérêt briller dans les yeux du Shichibukai, une reconnaissance fugace avant qu'il ne reporte son attention ailleurs. Pourtant, presque aussitôt, deux vigiles apparurent à ses côtés.
— Le patron veut vous parler.
Ce n'était pas une invitation. C'était un ordre.
Lise les regarda un instant, impassible, avant de hausser légèrement les épaules et de les suivre. Elle savait que ce moment arriverait. Il était temps de récupérer son dû.
A Suivre…
