Chapitre 10 : Monsieur Lucci

Robb Lucci était inquiet. Bien que ce terme fût sans doute trop fort pour qualifier ce qu'il ressentait pour Bella, il était indéniable que depuis près d'un an, il rendait visite à la clinique chaque jeudi soir, sans faute. Ce n'était pas par nécessité, mais plutôt par une sorte de rituel qui s'était installé avec le temps. Il se disait que c'était pour une simple consultation, un petit détail à régler, un pansement à refaire, ou parfois même pour vérifier une prescription. Rien de majeur, rien d'urgent. Mais chaque semaine, il passait par cette porte, et chaque semaine, il revoyait son regard calme et professionnel, ses gestes mesurés, la façon dont elle savait exactement quoi faire sans jamais hésiter. Il n'avait jamais avoué à haute voix la véritable raison de ses visites. Parce qu'il n'aurait pas su comment l'expliquer.

En tant qu'agent du Cipher Pol, il ne laissait jamais ses faiblesses apparentes. Mais s'il était honnête, Bella était une de ces faiblesses qu'il n'osait pas nommer. Il avait fini par avoir un faible pour elle, pour sa tranquillité d'esprit, sa manière inébranlable de s'occuper de ses patients, même les plus récalcitrants, et surtout pour cette aura de calme qui l'entourait. Une stabilité qu'il n'avait jamais connue, un calme qui le fascinait, et qui, paradoxalement, le mettait en face de ses propres turbulences intérieures.

Mais ce soir, cela faisait deux jeudis consécutifs que la clinique était fermée à l'heure où il passait habituellement. Il n'aimait pas voir sa routine perturbée, ni ressentir cet étrange vide laissé par son absence. Il s'était surpris, presque malgré lui, à vérifier l'heure, puis à se retrouver à la porte de la clinique, les yeux fixant la devanture sombre et sans vie. Il y avait comme un froid, une absence qui ne lui convenait pas.

Il décida finalement de se rendre à la clinique un vendredi, une décision prise plus sur un coup de tête que par une quelconque rationalité. Il poussa la porte de la clinique avec une certaine assurance, mais lorsqu'il entra, ce n'était pas Bella qu'il aperçut, mais une autre médecin de garde, une femme d'apparence sympathique, mais dont la présence trop bruyante le mettait mal à l'aise.

Sans même un regard pour elle, il s'approcha du comptoir, son regard perçant se posant sur la jeune femme, qui, elle, paraissait plus intriguée par son arrivée que par la raison de celle-ci.

— "Bella... elle n'est pas là ? Elle m'a dit qu'elle serait ici," commença Lucci d'une voix aussi ferme que calme, tout en s'efforçant de dissimuler la surprise qui l'envahissait. Il ajouta, presque sur un ton distrait, "Je viens tous les jeudis soirs."

À ces mots, les yeux de la médecin de garde s'écarquillèrent et un sourire entendu se dessina sur ses lèvres. Elle le dévisagea un instant, semblant saisir un détail que Lucci n'avait pas anticipé. Puis, tout à coup, un éclat de curiosité s'alluma dans ses yeux.

— "Oh la la ! C'est vous, le client du jeudi ?" dit-elle en le scrutant de haut en bas, un sourire un peu trop malicieux au coin des lèvres. "Je comprends mieux maintenant…" Elle laissa un petit rire nerveux s'échapper avant de rajouter, en se penchant légèrement en avant, "À quand le mariage ?"

Lucci haussait un sourcil, à peine surpris mais tout de même déstabilisé par la question. Mariage ? Il n'était certainement pas habitué à ce genre de propos, surtout venant d'une personne qu'il n'avait jamais vue auparavant. Il esquissa un sourire à peine perceptible, bien qu'il fût tout à fait conscient que la situation n'était ni le moment ni l'endroit pour qu'il perde son calme.

— "Je… ne crois pas que vous compreniez bien la situation," dit-il, son ton plus mesuré qu'il ne l'aurait voulu, cherchant à garder son calme. "Je viens ici uniquement pour des raisons de santé. Pas de mariage."

La médecin sembla alors se rendre compte qu'elle était allée un peu trop loin dans sa plaisanterie. Elle rougit légèrement, son sourire s'effaçant un peu, et se redressa, visiblement un peu gênée par sa propre audace.

— "Oh, bien sûr… je suis désolée, je ne voulais pas être indiscrète," ajouta-t-elle, en passant une main dans ses cheveux avec une certaine nervosité. "Je… je m'égare. Elle nous avait prévenu qu'elle partait pour deux semaines. Elle est allée rendre visite à sa mère, je crois… à Drum. Elle m'a dit que tout allait bien et qu'elle reviendrait lundi."

Lucci, tout en essayant de dissimuler son étonnement, resta impassible. Il n'était pas sûr de croire cette explication. Il n'avait jamais entendu Bella parler d'une telle visite. Ce n'était pas son genre de mentionner des détails personnels. Mais après tout, elle ne lui devait rien, n'est-ce pas ? Elle n'était qu'une médecin qu'il avait rencontré de manière… fortuite.

— "Elle ne m'a rien dit de tout ça," murmura-t-il, plus pour lui-même que pour elle, tout en scrutant la médecin. "Drum, vous dites…"

La femme se sentit visiblement prise de court, et sa réaction sembla légèrement déséquilibrée. Elle commença à tripoter nerveusement un stylo sur le comptoir avant de répondre :

— "Oui, je crois que c'est ça. Elle… elle m'a dit qu'elle allait retrouver sa mère là-bas, mais, comme je l'ai dit, elle m'a assuré qu'elle reviendrait lundi. Vous savez… Bella est assez privée, elle garde certaines choses pour elle."

Lucci observa la médecin un instant. Elle semblait sincère, mais un léger malaise flottait dans l'air. Il n'était pas certain de la véracité de ce qu'elle disait, mais en l'absence de preuves contraires, il n'avait pas d'autre choix que d'accepter ses paroles.

— "Je comprends," répondit-il d'un ton plus neutre, bien qu'une légère insistance sous-jacente émergeât dans sa voix. "Mais je serai ici jeudi prochain."

Il se tourna alors pour partir, son regard un instant figé sur la porte de la clinique, son esprit parcourant déjà toutes les possibilités. Il n'aimait pas l'idée qu'elle soit partie sans qu'il en sache davantage, et ce mariage évoqué — même sous forme de plaisanterie — le perturbait plus qu'il ne l'aurait voulu.

La médecin, après un moment de silence, lui lança précipitamment :

— "Je vous le promets, elle sera là ! Pas d'inquiétude."

Lucci esquissa un léger hochement de tête en réponse, mais son esprit restait ailleurs. Un "à jeudi" sec et mesuré, et il disparut dans le couloir de la clinique.

La médecin, quant à elle, se laissa aller à un petit soupir de soulagement, mais une question flottait encore dans son esprit. Pourquoi ce silence étrange quand il avait évoqué son absence ?

Lise descendit du train des mers en posant le pied sur le vaste quai de la gare de Water Seven. L'endroit bourdonnait d'activité, une ruche où voyageurs et dockers se mêlaient dans une effervescence incessante. La gare elle-même, majestueuse et imposante, s'élevait sous une immense verrière soutenue par une ferronnerie d'une élégance raffinée

De hauts piliers de fonte, finement ouvragés, s'élançaient vers le plafond, encadrant les verrières teintées qui laissaient filtrer une lumière dorée sur le marbre poli du sol. Les fresques murales représentaient des scènes maritimes, illustrant les anciens navigateurs et l'histoire de la cité aquatique avec un réalisme saisissant.

Sous la grande horloge, point de repère central de la gare, les marins en uniforme attendaient l'embarquement, tandis que les élégants de la ville discutaient sous les lustres en laiton suspendus aux arches métalliques. L'atmosphère était un mélange de vapeur, d'huile de moteur et du parfum salin qui s'infiltrait depuis les canaux.

Lise traversa la gare d'un pas décidé, son manteau écarlate virevoltant à son rythme. Dehors, les bruits de la ville l'assaillirent immédiatement : le clapotis de l'eau, les appels des gondoliers, et le grondement lointain des chantiers navals. Elle s'avança vers le quai, où une rangée de gondoles noires aux ornements dorés attendaient leurs passagers.

Elle en choisit une et s'y installa avec la fluidité d'une habituée. Le gondolier, un homme au large chapeau et à la chemise rayée, poussa doucement sur son long aviron, et l'embarcation glissa sans effort sur l'eau azurée. En se laissant porter à travers les canaux bordés de façades sculptées et de ponts élégants, elle observa la ville vivre à son propre rythme : les vendeurs de poissons criant leurs prix, les enfants jouant sur les pontons, les artisans affairés dans leurs échoppes.

Après quelques minutes, la gondole atteignit une station où un téléphérique suspendu reliait les différents niveaux de la cité. Lise sauta sur la plateforme et s'avança vers l'une des cabines aux parois vitrées. Dès que les portes se refermèrent, l'appareil s'éleva lentement au-dessus des eaux, offrant une vue imprenable sur les toits en terracotta et les rues animées de la ville basse.

Lorsque la cabine atteignit la ville moyenne, le paysage changea. Moins touristique, plus résidentiel, ce quartier dégageait une sérénité familière. Lise posa son regard sur les ruelles pavées et les balcons ornés de fleurs, puis descendit avec la sensation d'être enfin de retour chez elle. D'un pas mesuré, elle s'engagea dans le quartier de Flore qui menait à la rue Floréal , laissant derrière elle l'agitation de la ville basse et l'ombre imposante des quartiers supérieurs.

Lise sortit une clé de sa poche et pénétra enfin dans l'arrière-cour de la clinique. L'air était imprégné d'une odeur saline, mêlée à celle des herbes médicinales séchant sur un étal. Elle traversa la cour pavée, usée par les années, et monta un escalier en colimaçon de fer forgé, dont les marches grinçaient sous son pas. L'escalier, étroit et abrupt, serpentait le long de la façade jusqu'au grenier, accessible uniquement par l'extérieur.

Elle introduisit une autre clé dans la serrure et poussa la porte de sa chambre. Une bouffée d'air vicié l'accueillit. L'odeur du renfermé, mêlée à celle du bois ancien, imprégnait les lieux. Elle ouvrit sans attendre l'unique fenêtre, laissant entrer l'air frais de la nuit et le bourdonnement lointain de la ville. Sous la lumière tamisée des réverbères, elle épousseta distraitement son lit, chassant une fine couche de poussière qui s'était déposée en son absence.

Sur la table, sa valise trônait encore, témoin de ses derniers voyages. Lise avait profité des escales du Train des Mers pour rapporter quelques objets de ses pérégrinations. San Faldo l'avait enchantée avec ses boutiques raffinées, et elle n'avait pas résisté à l'envie de faire quelques emplettes : tissus colorés, flacons de parfums et accessoires en nacre, reflets de l'élégance de l'île.

Après cela, elle s'était rendue à Saint Poplar, juste à temps pour assister à la fête de Vitali, l'un des moments culturels les plus importants de la région. Pendant plusieurs jours, la ville s'était transformée en une immense scène à ciel ouvert, les places et les rues devenant le théâtre d'un spectacle grandiose. À chaque coin de rue, des comédiens jouaient des saynètes burlesques, des conteurs captivaient les foules, et des danseurs virevoltaient au son d'instruments traditionnels. Les façades étaient illuminées de mille feux, des lanternes accrochées aux balcons diffusaient une lueur dorée, et les places résonnaient des échos de musiques festives.

Lise avait déambulé dans cette atmosphère enivrante, profitant de chaque instant, avant de finalement reprendre la route pour Water Seven. Maintenant, de retour dans sa chambre, elle laissait son regard errer sur les souvenirs qu'elle avait ramenés, comme des fragments d'ailleurs suspendus dans le silence de la nuit.

Étendue sur son lit, son collier à trois milliards toujours autour de son cou, Lise fixait le plafond, perdue dans ses pensées. Le silence de la nuit pesait autour d'elle, seulement troublé par le lointain bruissement de la ville encore éveillée. Un soupir lui échappa, long et las. Demain serait un lundi.

Les lundis étaient toujours chargés. Entre les marins ivres qui se réveillaient avec des plaies qu'ils ne se souvenaient même pas avoir reçues, les ouvriers des chantiers navals qui se blessaient sur les docks et l'épidémie de rhume qui gagnait la ville, la journée promettait d'être éreintante. Le mois de décembre approchait, et bien que Water Seven profite d'un climat doux, l'humidité ambiante rendait les nuits plus froides et les corps plus vulnérables. Elle imaginait déjà la salle d'attente de la clinique bondée, les patients reniflant, toussant, gémissant, attendant qu'elle apaise leurs maux avec la patience qu'on exigeait d'un médecin. Parfois, elle se demandait pourquoi elle continuait à jouer ce rôle alors qu'elle était bien plus qu'un simple médecin. Mais c'était une habitude, un équilibre fragile qu'elle maintenait depuis des années.

Et puis... jeudi arrivait à grands pas.

Lise ferma les yeux un instant, cherchant à apaiser la chaleur qui montait en elle. Cela faisait deux semaines, mais la scène restait vivace dans son esprit, comme une brûlure qui ne voulait pas se cicatriser. Elle avait été chez lui, pour traiter une fièvre qui s'était emparée de son corps fatigué. Mais ce qu'elle avait vu ce jour-là, ce qu'elle avait ressenti, n'avait rien de la froideur professionnelle qu'elle s'efforçait d'afficher.

Elle s'était retrouvée à le soigner dans sa salle de bain, où l'humidité de la pièce et la chaleur de l'eau n'avaient fait qu'accentuer la tension dans l'air. Lui, Robb Lucci, dans un état de santé précaire, pourtant encore d'une puissance indéniable malgré sa fièvre. Ses muscles se contractaient sous l'effet de la douleur, et son corps, marqué par le temps et les combats, se révélait dans toute sa dureté. Un tatouage tribal serpente autour de son bras, une marque singulière qui détonnait contre la peau dorée et marquée de cicatrices.

Lise n'avait jamais imaginé se retrouver dans une situation pareille. Elle n'aurait jamais dû entrer dans la salle de bain, ne serait-ce qu'une seconde trop tôt. Mais la situation s'était imposée. Elle avait essayé de rester professionnelle, de se concentrer uniquement sur son travail. Mais son esprit avait cessé d'être rationnel en un clin d'œil.

L'eau ruisselait sur sa peau, sculptant ses muscles, suivant la ligne de ses épaules et de son dos. Elle n'avait pas pu s'empêcher de regarder. Elle savait qu'elle n'aurait pas dû, mais c'était plus fort qu'elle. Les mèches noires de ses cheveux mouillés se collaient à sa peau, accentuant la courbe de ses bras et de son torse. Elle avait voulu détourner les yeux, se concentrer sur sa tâche, mais c'était impossible. Ses yeux se posaient malgré elle sur chaque détail, sur chaque courbe de son corps.

Et surtout, il y avait ce regard.

Un regard ténébreux, brûlant, qui s'accrochait à elle comme une caresse invisible, effleurant chaque parcelle de son corps, la mettant à nue sans qu'il ait besoin de bouger. Ce n'était pas le regard fiévreux d'un homme malade, ni celui d'un patient redevable. C'était autre chose. Une faim, silencieuse mais évidente. Un prédateur qui avait conscience de sa proie et qui, au lieu de bondir, prenait plaisir à la voir vaciller sous son regard.

Lise sentit la chaleur monter dans son ventre, une tension insidieuse qui se déployait autour d'elle comme un serpent. Mais elle ne pouvait se permettre de céder à cela. Elle devait rester concentrée, soigner cet homme qu'elle avait soigné mille fois, d'une manière ou d'une autre. Pas cette fois-ci, pas maintenant. Mais ses mains tremblaient alors qu'elle appliquait la compresse, cherchant à refroidir son front brûlant, à calmer l'agitation qui déferlait en elle.

Et puis, ce corps.

Chaque muscle semblait avoir été sculpté à la main, un équilibre parfait entre puissance et élégance. L'eau dessinait sur lui une cartographie de perfection, ruisselant le long de son torse, suivant la courbe de ses abdominaux avant de disparaître plus bas, là où elle ne devait pas regarder. Mais elle regarda. Une fraction de seconde de trop.

Il le remarqua. Évidemment. Il devait le savoir.

Lise se sentit subitement prise dans un tourbillon d'émotions contradictoires. Elle était là pour l'aider, pour lui apporter des soins. Mais ce regard, ces muscles, ce corps, tout en lui la perturbait. Elle tenta de se ressaisir, de ne pas se laisser submerger. Mais tout en elle lui criait de fuir, de quitter cette pièce, de se défaire de la tension croissante qui naissait entre eux.

Elle inspira profondément, et d'une voix plus calme, elle tenta de reprendre le contrôle.

- « Vous devriez vraiment vous reposer, monsieur Lucci, » dit-elle d'un ton plus professionnel, bien qu'un léger tremblement trahisse son agitation intérieure. « La fièvre est encore trop forte. »

Mais Lucci ne la quittait pas des yeux. Ce regard, toujours aussi intense, la mettait mal à l'aise, plus qu'elle n'aurait voulu l'admettre. Un sourire presque imperceptible s'esquissa sur ses lèvres, comme si, au fond, il savait exactement l'effet qu'il avait sur elle.

- « Vous êtes… » Elle hésita un instant, cherchant ses mots. « Vous êtes imprudent, monsieur Lucci. Vous devez faire attention à votre corps. »

Il ne répondit rien, mais son sourire s'élargit un peu, trop satisfait. Lise, consciente de son malaise, se força à détourner les yeux et à poser la compresse un peu plus fermement. Elle se redressa et chercha à maintenir son calme.

Puis, dans un effort de distancer toute cette tension, elle murmura plus fermement, en se dirigeant vers la porte : « Reposez-vous. Et arrêtez de me regarder comme ça. »

Un sourire à peine esquissé effleura ses lèvres, un amusement discret, mais suffisant pour faire monter un frisson sur sa peau. Il ne disait rien. Il n'en avait pas besoin.

Lise sentit son propre souffle se bloquer dans sa gorge.

L'atmosphère était devenue étouffante, plus brûlante encore que la vapeur qui s'élevait dans la pièce. Tout son corps lui criait de partir, de mettre de la distance entre eux avant qu'il ne soit trop tard. Mais ses jambes refusaient de bouger.

Et lui… lui continuait de la fixer, sans gêne, sans honte, savourant peut-être ce moment de vulnérabilité qu'il venait de créer en elle.

Un jeu dangereux.

Un frisson la parcourut.

Elle aurait dû tourner les talons, fuir avant que cette tension ne devienne quelque chose d'incontrôlable.

Mais elle resta. Une seconde de trop. Une seconde de plus, suspendue entre tentation et interdiction.

Elle revoyait son regard intense lorsqu'il avait tourné légèrement la tête, une ombre de sourire en coin, comme s'il l'avait sentie avant même qu'elle ne parle.

- "Vous restez, docteur ?" Sa voix rauque, amusée, l'avait foudroyée. Elle s'était immédiatement détournée, claquant la porte derrière elle, mais le mal était fait.

Elle était pathétique.

Et pourtant, face à lui, face à cet homme dont elle ne savait presque rien, si ce n'était son nom et la certitude qu'il était un assassin… elle vacillait.

C'était risible.

Elle aurait dû le traiter comme n'importe quelle autre cible, comme un pion sur son échiquier, un obstacle à contourner ou à écraser. Mais il n'avait rien d'un pion. Lucci était un mur infranchissable, un danger omniprésent qui ne se laissait ni dompter ni manipuler. Un homme qui, d'un seul regard, d'une seule présence, retournait toutes les règles du jeu qu'elle croyait maîtriser.

Et c'était bien ça, le problème.

Elle était incapable de le contrôler. Incapable de détourner son regard, de faire abstraction de ce qu'elle ressentait en sa présence. Et pire encore, elle n'était même pas certaine d'en avoir envie.

A suivre …