Chapitre 32 :Les échos d'un désir

Lise hocha simplement la tête, un mouvement gracieux mais empreint d'une certaine réserve, comme si chaque geste était le fruit d'une réflexion calculée. Ses doigts se posèrent doucement sur le bas de sa robe, ajustant son vêtement d'un mouvement subtil, parfaitement maîtrisé. Ce petit geste trahit pourtant une tension, une sorte d'élégance retenue qui contrastait avec l'atmosphère d'effervescence qui entourait le directeur.

Son regard se fixa sur la fresque, et ses yeux parcoururent les lettres dorées avec une concentration silencieuse. Sans se précipiter, elle s'avança d'un pas, se penchant légèrement en avant, une attention presque palpable dans ses mouvements.

- "Quels sont les sens de ces mots ?" demanda-t-elle, sa voix douce mais teintée de curiosité. Son regard glissait le long de l'écriture, cherchant à en percer le mystère, comme si chaque caractère était une porte vers une vérité cachée.

Le directeur, flatté par l'intérêt manifesté par Bella, répondit avec une énergie grandissante, son sourire s'élargissant à mesure qu'il prenait la parole.

- "Ah ! Je vois que notre estimée cliente a l'œil ! Cette fresque a été donnée par le Roi Mehmoud à mon arrière-arrière-arrière-grand-père lors de la construction de cet hôtel. Il s'agit de la Sourate Al-Jannah du Nafas, écrite par notre prophète Rihaya al-Qamar, qui la tenait directement d'Al-Rih al-Kabir. Une véritable ode au paradis."

Le directeur, emporté par ses propres paroles, continua, la ferveur évidente dans la voix.

- "Les mots gravés ici sont un hommage au souffle divin, Al-Rih al-Kabir, ce vent éternel du désert. Il guide les âmes perdues et est la source de toute bénédiction. C'est une prière sacrée, transmise à travers les siècles, gravée dans l'histoire de notre peuple. Elle raconte l'ascension de l'âme vers le paradis, portée par ce vent sacré."

Lucci, qui observait silencieusement depuis un coin de la pièce, fronça légèrement les sourcils. Les paroles du directeur, bien que pleines de dévotion, éveillaient en lui un sentiment d'incertitude. Il connaissait les cultes d'Al-Rih al-Kabir, mais la manière dont ces mots étaient prononcés, avec tant de ferveur, le laissait perplexe. Lise, elle, semblait moins intéressée par l'aspect religieux de l'histoire que par l'enchevêtrement de l'histoire du roi et de l'hôtel, comme si un autre sens se dissimulait sous cette apparente vénération.

Elle s'immobilisa un instant devant la fresque, ses doigts effleurant presque la surface de l'air, comme pour mieux appréhender l'intensité du message gravé. Ses yeux glissèrent une dernière fois sur les lettres dorées, absorbant chaque détail avant de se détourner lentement. "Intéressant," murmura-t-elle, pensant à voix basse.

- "Mais je doute que le roi Mehmoud ait prévu qu'un jour des étrangers viendraient faire leur séjour ici." Le léger sourire qui effleurait ses lèvres était plus une observation qu'une véritable remarque, un commentaire qui laissait place à l'interprétation.

Le directeur, toujours souriant mais désormais un peu moins sûr de lui, s'inclina respectueusement.

- "Nous accueillons tous nos hôtes avec le plus grand respect, et il est certain que le roi Mehmoud aurait été honoré de vous recevoir." Son ton, poliment déférent, trahissait cependant une légère confusion, ne sachant pas comment répondre à une telle déclaration.

Lise, sans relever le regard, lança un regard en coin au directeur, mais demeura silencieuse, la réserve de ses gestes renforçant l'ambiguïté de son attitude. Ses doigts, lentement, se joignirent un instant devant elle, comme pour marquer la fin de cette conversation, ou peut-être pour signifier une réflexion intérieure qu'elle ne souhaitait pas partager. Elle savait que l'échange ne mènerait à rien, mais le silence qu'elle laissait planer portait en lui une intensité non dite.

Lucci observa, ses yeux devenant presque des éclats de métal sous la lumière déclinante de la soirée, Lise se faire conduire vers un majestueux ascenseur. Les murs en marbre poli scintillaient comme des miroirs, renvoyant la lumière d'une façon presque irréelle, tandis que le sol luisait sous ses pieds, trop parfait, trop lisse, comme un écrin fait pour honorer une personne d'une importance rare. Le directeur, toujours aussi flatteur, la suivait, continuant à la couvrir de paroles empruntées à la déférence la plus exagérée, comme si chaque syllabe était une offrande.

Lucci se tenait là, les bras croisés, impassible, mais la frustration, elle, bouillonnait en lui comme un métal en fusion. Chaque fibre de son être réclamait de la suivre, de ne pas la laisser s'éloigner. Il se rapprocha d'un pas, sa pensée devenue un ordre dans son esprit : Ne pas la perdre de vue, ne pas laisser la chance s'échapper, quoi qu'il en coûte. Mais alors qu'il était sur le point de la rejoindre, il entendit une voix rauque qui brisa sa concentration.

- « Mohammed ! »

Le chef des mercenaires s'était approché à grands pas, l'air délibérément bruyant, un sourire espiègle agrémentant son visage de malice. Il leva la main d'un geste impérieux pour stopper Lucci dans son élan, sans se douter une seule seconde de la véritable identité de l'homme qu'il croyait être Mohammed.

- « Mohammed, viens ici ! » s'exclama-t-il. « La mission est finie, on a fait notre part, et tu es le seul qui n'as pas encore touché sa part de l'argent. On a distribué le butin à tout le monde, sauf toi. Mais t'inquiète, mon frère, ça ne va pas tarder. »

Le mercenaire s'approcha encore, ses yeux brillant d'une curiosité non dissimulée, comme s'il attendait que Lucci se laisse entraîner dans sa cadence. Le chef n'hésita pas à lui donner une tape sur l'épaule, une façon de le pousser à se joindre à ses compagnons.

Lucci se figea sur place. Un froid intense envahit son regard, qui se durcit en une lame acérée, une expression qui laissait entrevoir une irritation grandissante. La frustration monta en lui comme une vague prête à tout engloutir. Il serra les poings, mais sa mâchoire resta parfaitement immobile, et rien dans ses traits ne trahit la tempête intérieure qui dévastait son esprit. Non, se dit-il, il ne pouvait pas flancher maintenant. Ce qui était en jeu ici dépassait de loin cette simple situation… La mission, les informations qu'il espérait obtenir d'elle, l'opportunité de pénétrer dans son esprit, tout cela était trop important pour céder à la tentation d'une vengeance immédiate.

Pourtant, l'ascenseur… La vue de Bella qui s'éloignait à cet instant précis, de la perdre à ce moment même, cela le rendait fou. Il sentit l'envie de l'abandonner à son sort et de tout détruire éclater en lui comme une explosion prête à se déchaîner. Mais il devait contrôler ce feu qui l'embrasait.

Le mercenaire, bien trop confiant, ne voyait toujours pas la lueur glaciale dans les yeux de Lucci. Il continua, insouciant, et se permit même de le railler :

- « Tu sais, Mohammed, t'as été un peu trop curieux, ce qui m'a fait un peu douter. T'as posé trop de questions sur cette Ishtar. Je te dis, tu devrais pas te laisser subjuguer par elle. Elle a payé une sacrée somme de béryl pour nous acheter, mais on n'a aucune idée de ce qu'elle prévoit ensuite… Ce qu'elle fera, seul notre dieu en sera témoin. »

Le sourire du chef des mercenaires se fit plus large, comme une invitation à la complicité, avant de lui donner une nouvelle tape sur l'épaule.

- « Viens t'amuser avec nous. La mission est terminée, il est temps de profiter un peu ! »

Le dernier mot résonna dans l'air, lourd de sous-entendus, mais la seule chose qui bouillonnait dans la poitrine de Lucci à cet instant était l'envie irrépressible de dégager ce type de son chemin. Mais il se contenta de fixer l'ascenseur, son regard plus glacial que jamais, une détermination silencieuse derrière chaque geste mesuré. Il serra les poings avec une telle force qu'on aurait cru qu'il cherchait à broyer quelque chose. L'ironie de la situation lui brûlait la gorge, mais aucun mot ne franchit ses lèvres. Il était l'inconnu, la fausse identité derrière Mohammed, et pourtant, le chef des mercenaires le traitait comme l'un des leurs, comme si de rien n'était. Il n'avait aucune idée que l'homme qu'il croyait être un simple mercenaire était en réalité celui qui avait tué Mohammed pour prendre sa place.

Il aurait voulu le saisir par le cou, l'étouffer, effacer ce sourire insouciant de son visage. La manière dont le chef le traitait, avec une désinvolture totale, le mettait à la limite de la folie. Mais il savait, au fond de lui, que ce n'était pas le moment de céder. Il était si proche de son but. Chaque seconde, chaque mouvement, chaque parole comptait. Toute son attention était rivée sur Lise, qui s'éloignait de lui, hors de sa portée, de son regard. La frustration de ne pas pouvoir la suivre, de devoir jouer son rôle à la perfection tout en cachant cette colère vibrante qui pulsait autour de lui, le mettait à l'épreuve.

Avec une volonté de fer, il détourna finalement les yeux, comme s'il chassait cette rage intérieure. Un soupir presque imperceptible franchit ses lèvres, et il se tourna lentement vers le chef des mercenaires. Son regard, pourtant, ne trahit rien, juste une froide détermination. Il força un sourire, un sourire qui ne laissait place à aucune émotion sincère, mais qui portait en lui tout le poids d'une ironie amère.

- « Très bien. » Sa voix, glacée et mesurée, n'affichait aucun signe de la tension qui le dévorait de l'intérieur. « Je vous suis. »

Le chef des mercenaires éclata d'un rire bruyant, sans se douter un instant de la tempête qui grondait en lui. Il posa une main familière sur l'épaule de Lucci, comme s'ils étaient de vieux camarades d'armes, et lui donna une légère tape avant de s'éloigner, insouciant de la brutalité qui bouillait en lui.

...

C'était la première fois de sa vie que Lise posait ses pieds dans une chambre aussi somptueuse. Lorsqu'elle franchit le seuil de la « Lapis Lazulis », un frisson d'incrédulité la parcourut. Chaque détail semblait l'envelopper d'une chaleur luxurieuse, presque irréelle. Les murs en marbre bleu et or luisaient sous la lumière douce et tamisée des lanternes en cristal, projetant une lueur sensuelle et envoûtante qui jouait sur chaque surface. Les fresques murales, délicatement peintes, capturaient des paysages désertiques, où les dunes s'étendaient à perte de vue, et des jardins suspendus où les fontaines chantaient des mélodies secrètes. Les teintes de bleu profond, associées à l'or brillant, étaient d'une harmonie parfaite, une symphonie visuelle qui invitait à l'extase des sens. L'air était lourd d'encens, une fragrance douce et enivrante, qui flottait autour d'elle comme un baiser invisible.

Mais c'est le lit à baldaquin, majestueux et imposant, qui attira immédiatement son regard. Il semblait flotter au centre de la pièce, sculpté dans un bois noble aux nuances chatoyantes, orné de pierres semi-précieuses qui captaient la lumière avec une sensualité hypnotique. Les rideaux en soie bleue, d'un éclat subtil, se drapaient autour du lit comme des vagues doucement roulées, brodés d'or avec une finesse exquise. Chaque élément semblait être conçu pour éveiller une beauté inaltérable, une beauté qui ne demandait qu'à être admirée, touchée, ressentie.

Sans un mot, Lise se débarrassa de ses chaussures, les jetant négligemment de l'autre côté de la pièce, comme pour rompre définitivement avec le monde extérieur. Elle s'abandonna alors dans la douceur du lit, le matelas si moelleux qu'elle s'y enfonça lentement, comme si le monde entier s'effaçait autour d'elle. Ses bras s'étendirent langoureusement, ses jambes se détendirent dans une aisance totale. Elle s'y laissa glisser, comme une étoile filante s'éteignant dans l'infini de la nuit. Un soupir profond s'échappa de ses lèvres, un soupir long et lourd, empli d'un plaisir pur, une sensation qu'elle n'avait pas ressentie depuis bien trop longtemps. L'extase de l'abandon.

Le tissu de la soie, doux et soyeux, l'étreignait délicatement, comme une caresse tendre et infinie. Les draps, frais et légers, semblaient l'envelopper d'un amour silencieux, une étreinte parfaite et intime. À chaque mouvement, la soie glissait sur sa peau, l'effleurant avec une douceur exquise qui laissait derrière elle une trace d'envie et de volupté. Elle roula lentement sur le côté, son visage enfoui dans l'oreiller, savourant cette chaleur, cette sécurité, cet abandon. Elle ferma les yeux un instant, oublieuse de tout ce qui se passait au dehors. Le monde semblait s'éteindre dans ce cocon, laissant place à une paix rare et désirée.

Le luxe de la chambre, presque écrasant de perfection, n'était plus qu'un lointain arrière-plan. Seul restait l'instant, la sensation pure et chaude de ses muscles détendus, de son corps abandonné dans une douceur infinie. C'était un plaisir que son esprit avait appris à désirer sans jamais en goûter pleinement. Là, dans cette pièce majestueuse, elle se laissait porter par la sensation de chaque drap caressant sa peau, de chaque mouvement fluide de son corps, glissant et s'étendant sans effort. C'était l'extase de la douceur, du silence, de l'oubli. Un répit volé, un instant de pure indulgence où le luxe se faisait désir, une ivresse douce qui l'enveloppait, la berçait dans l'oubli des frontières de son existence.

...

La nuit s'étendait sur la capitale d'Alubarna, la lueur des lanternes vacillant sous le souffle chaud du vent du désert. Loin des rues animées, le Al-Ma'arif, l'un des plus grands et luxueux harems de la ville, pulsait au rythme de la musique sensuelle qui s'échappait de ses murs. À l'intérieur, l'opulence se déployait dans toute sa splendeur : coussins en soie, danseuses vêtues de tissus légers qui se mouvaient avec une grâce hypnotique, invités parés de bijoux étincelants qui semblaient refléter la richesse infinie de ce lieu. C'était un monde d'abandon, de plaisir et de complots murmurés entre deux gorgées de vin.

Mais Lucci n'était là pour rien de tout cela. Son regard, froid et distant, balaya la pièce sans se laisser distraire par la fête qui l'entourait. Déguisé sous l'apparence de son "frère" – un mercenaire qu'il avait éliminé sans la moindre hésitation pour prendre sa place – il errait dans ce décor d'extravagance avec une impassibilité glacée. Le chef des mercenaires, ce "mentor" détesté qui l'avait entraîné ici, l'appelait avec une familiarité qu'il ne ressentait nullement.

- "Mon frère, tu vas voir, ici, c'est un autre monde. C'est pas comme la rue, tu vas voir, des opportunités à saisir."

Les mots du chef des mercenaires flottaient dans l'air, mais Lucci n'y prêtait aucune attention. Ce monde de luxe et de pouvoir ne l'intéressait pas. La débauche, les jeux de pouvoir, tout cela ne faisait que l'effleurer. Mohammed, cet homme qu'il avait remplacé, n'était plus qu'un fantôme, une ombre écrasée sous la lourdeur de son propre destin. Il l'avait tué sans pitié, usurpé son identité, et s'était glissé dans ses habits comme un serpent dans sa peau. À présent, il n'était plus qu'une silhouette dans l'ombre d'un autre homme, un homme qui ne comptait plus dans ce monde de machinations.

- "Les princes, les marchands, les aventuriers… tout ce monde-là est régi par un autre genre de règles," poursuivait le chef, trop enjoué pour saisir la froideur dans l'attitude de son "frère". "Si tu sais lire entre les lignes, si tu sais manipuler les bons leviers, tu pourras aller très loin ici."

Lucci haussait à peine un sourcil, hochant vaguement la tête sans un mot. Son regard se déplaçait silencieusement autour de la pièce bondée, scrutant les visages, repérant les personnalités influentes et les potentiels alliés ou ennemis. Pour lui, chaque mouvement comptait, chaque regard échangé avait une signification. Il n'était pas là pour apprécier la fête ni pour faire des alliances superficielles. L'information, c'était ce qui comptait vraiment. Et dans ce monde d'apparences et de faux-semblants, il savait qu'il devait naviguer dans l'ombre, écouter, observer, pour trouver ce qu'il cherchait.

Le mercenaire continuait de l'entraîner à travers la salle, son enthousiasme débordant ne faisant qu'augmenter la distance entre lui et Lucci, qui restait de marbre. L'effervescence des invités, les rires et les murmures de complot se mêlaient à la musique, mais Lucci se concentrait sur l'objectif, son esprit aiguisé comme une lame. Il n'était pas là pour se perdre dans des distractions. Il se glissa dans l'ombre, une partie invisible du décor somptueux, et attendit le moment opportun.

Les lumières s'éteignirent brusquement, plongeant la salle dans une obscurité oppressante, brisée seulement par l'écho d'un souffle collectif, un silence palpable qui enveloppa la pièce dans une attente nerveuse. Quelques instants plus tard, les lampes se rallumèrent avec une intensité nouvelle, dévoilant une scène centrale qui semblait naître de l'ombre elle-même. Là, un groupe de danseuses apparut, leurs corps ondulant avec une fluidité presque irréelle. La foule, comme un seul homme, éclata en acclamations et en sifflements, l'atmosphère se chargeant d'électricité.

Lucci, d'abord perdu dans ses pensées, tourna machinalement la tête. Mais à l'instant même où ses yeux se posèrent sur l'une des danseuses, une secousse invisible sembla traverser son corps. Il s'immobilisa, ses muscles tendus comme une corde prête à céder. Une fraction de seconde, son esprit se figea, le monde autour de lui s'effaçant, jusqu'à ce qu'il comprenne.

Elle lui ressemblait.

Le visage, le port de tête. Cette grâce féline, cet air à la fois tendre et déterminé. Il y avait quelque chose d'inexplicable, un tourbillon de souvenirs et de sensations qui envahissait son esprit. Mais ce n'était pas elle. Ce n'était pas Lise.

Non, c'était un mirage.

La danseuse avait des yeux noirs, profonds, presque hypnotiques. Des yeux qui le dévoraient, l'attiraient sans pitié, mais qui n'étaient en rien comparables à ceux de Lise.

Il aurait voulu détourner le regard, mais ses yeux restaient figés, inébranlables, malgré la douleur qui se formait dans sa poitrine.

À ses côtés, le chef des mercenaires éclata de rire, visiblement amusé par l'expression qui traversait le visage de Lucci. Sans la moindre gêne, il lui donna une tape sur l'épaule, comme s'il venait de lui révéler un secret précieux.

"Ben voyons ! Je t'avais dit qu'on en avait une aussi, d'Ishtar !" lança-t-il, son rire bruyant résonnant à travers la salle. "Cette femme, c'est celle qu'on surnomme la Princesse des Mille et Une Nuits, Layali Al-Jawhar."

Il se pencha vers lui, presque conspirateur, baissant la voix comme s'il révélait une vérité insondable.

"Crois-moi sur ce coup-là, cette femme, c'est notre trésor national. Elle a le pouvoir de rendre fous les plus puissants. Elle est… incomparable."

Lucci, malgré l'effervescence autour de lui, ne répondit pas immédiatement. Son regard ne quittait pas la danseuse. Layali Al-Jawhar, murmura-t-il intérieurement. Ce nom, il le connaissait, il l'avait entendu dans les cercles influents d'Alubarna, comme une légende vivante, une énigme cachée derrière une beauté presque divine. Une femme dont le regard pouvait briser les plus fortes volontés, une illusion d'une puissance incalculable.

Mais ce qui le troublait, ce qui l'avait secoué si violemment, ce n'était pas la puissance de Layali. C'était la ressemblance. Cette silhouette qui dansait sous les projecteurs, la façon dont elle semblait défier les lois de la gravité, la fluidité de ses mouvements – tout cela semblait irréellement proche de Lise, à un point presque insupportable. Comme une ombre persistante qui le suivait, partout où il allait.

Pourquoi fallait-il qu'ici, dans cette capitale corrompue, parmi ces faux-semblants et ces vies détruites, l'ombre de Lise se trouve encore sur son chemin ? Pourquoi cette image de son visage, toujours là, accrochée à sa mémoire, comme une brûlure lancinante, le poursuivait-elle même ici, au cœur du palais de la débauche ?

A suivre ...