Chapitre 37 : Le chant du papillon

Lise fixa le collier, un léger trouble traversant son regard. Il était indéniablement beau, très beau même, mais cela ne signifiait rien pour elle. À ses yeux, ce n'était qu'un accessoire, un assemblage de perles scintillantes, un profit dont la brillance ne changerait rien à sa réalité. Pour elle, la beauté d'un objet n'avait aucune valeur face à des besoins plus essentiels, comme du pain sec et de l'eau fraîche. Ces perles n'étaient qu'une illusion de richesse, un éclat sans substance, incapable de déstabiliser un pays ou de changer sa vie. Du moins, le croyait-elle.

Elle soupira intérieurement. Elle n'avait aucune expertise dans les choses frivoles, comme l'art ou les bijoux. Lise était une femme de pragmatisme, une femme de terrain. Elle n'avait pas la capacité d'apprécier un bijou de valeur, ni même de discerner un grand cru d'un vin quelconque. Mais demandez-lui d'évaluer un médicament, de manier un scalpel avec précision ou de tester un katana, et elle répondait présente, prête à démontrer toute la rigueur et la précision de son expertise. C'était dans ces domaines, tangibles et utiles, qu'elle se sentait à sa place.

Finalement, elle détourna son regard du collier, consciente que, malgré sa beauté, il n'avait aucun pouvoir sur elle.

Ce collier… peut-il vraiment me sauver la vie ? demanda Lise, une pointe de scepticisme dans sa voix.

Cobra acquiesça, son regard toujours aussi sérieux.

— Oui, répondit-il d'une voix calme, mais ferme. Si ce que vous souhaitez est réel, le gouvernement mondial voudra le vérifier et enverra sans doute des émissaires. Or, vous êtes une pirate, commandante aux ordres d'un empereur et à la tête d'un empire de la pègre, Colorless Butterfly.

Lise se redressa, un éclat d'indignation dans les yeux.

— Ce n'est pas une organisation criminelle ! s'empressa-t-elle de répliquer. C'est une agence de chasseurs de primes et de collecte de renseignements. C'est aussi une banque.

— Peut-être, fit Cobra d'un ton évasif, haussant légèrement les épaules. Mais ce sont les faits. Et votre tête est mise à prix. Pour une raison que je ne m'explique que par vos incroyables compétences médicales, vous avez droit à une mention spéciale : à capturer vivante. Ce n'est pas commun, vous en conviendrez.

Lise se tut, les mots de Cobra flottant dans l'air entre eux. Il avait raison, elle le savait. Pourtant, la mention « capturer vivante » n'était qu'une maigre consolation face à la réalité de sa situation.

Lise croisa les bras, son regard s'assombrissant légèrement.

— Ce n'est pas commun, non, admit-elle après un silence. Mais ça ne veut pas dire que c'est un avantage.

Cobra haussa un sourcil, intrigué.

— Expliquez-vous.

Elle eut un ricanement bref, sans joie.

— Une prime "capturer vivante", ça ne protège pas d'une balle perdue, ni d'un agent zélé qui préfère s'assurer que vous ne parlerez jamais. Ça ne protège pas non plus d'un transport qui tourne mal ou d'un interrogatoire qui va trop loin. Ça veut juste dire que je suis plus utile en vie… pour l'instant.

Cobra ne pouvait pas la contredire. Il connaissait bien les méthodes du gouvernement mondial. Une prime de capture ne garantissait pas un traitement clément. Seulement un sursis.

— Mais vous savez pourquoi ils vous veulent vivante ? demanda-t-il.

Lise haussa les épaules.

Cobra observa Lise un long moment, cherchant à déceler une faille dans cette indifférence qu'elle affichait avec tant d'aisance. Son regard acéré, empreint d'expérience, détaillait chaque nuance de son expression, chaque infime tressaillement qui pourrait trahir une pensée dissimulée. Il connaissait les jeux de pouvoir, les masques que l'on arborait pour survivre dans ce monde impitoyable. Et pourtant, face à cette femme au tempérament glacial, il se demandait si ce détachement n'était pas plus qu'un simple rôle.

— Vous semblez bien détendue pour quelqu'un dont la tête est mise à prix, fit-il remarquer d'un ton mesuré, presque intrigué.

Lise esquissa un sourire, un de ces sourires énigmatiques qui n'appartenaient qu'à elle, teinté d'une légère ironie.

— Comme de nombreux pirates, répondit-elle avec un calme absolu.

Sa voix était posée, dénuée de la moindre inquiétude, comme si cette réalité n'avait sur elle aucun poids.

— Il en existe tant, des pirates qui continuent à vivre presque normalement malgré des primes bien plus élevées que la mienne. Des criminels, aux yeux du gouvernement, dont les visages ornent les affiches de la Marine, et qui pourtant naviguent librement, négocient, commercent, parfois même collaborent avec ceux qui sont censés les traquer.

Elle croisa les bras, son regard glissant sur l'horizon comme si elle contemplait un paysage bien plus vaste que le simple palais d'Alubarna.

— Ils ont juste les moyens de se défendre, poursuivit-elle. Voilà la seule différence. Dans le Nouveau Monde, les frontières entre alliés et ennemis sont mouvantes. Que ce soit la Marine, le Gouvernement Mondial, les Révolutionnaires ou les autres équipages pirates… Au final, tout n'est qu'une question d'équilibre.

Cobra tapota lentement le bois du bras de son siège, méditatif.

— Un équilibre, hein ?

Il répéta ces mots comme s'il en pesait le sens exact, puis laissa échapper un léger soupir.

— Peut-être plus pour très longtemps, si j'en crois mes sources…

Lise releva aussitôt la tête. Un éclat d'attention traversa son regard, son instinct de stratège s'éveillant à la menace implicite dans cette phrase. Que savait-il exactement ? Quels éléments détenait-il pour se montrer aussi prudent ?

Mais Cobra, habile politicien, détourna subtilement la conversation avant qu'elle ne puisse rebondir.

— Pourquoi êtes-vous devenue une pirate ? demanda-t-il avec un calme feint.

Lise se tendit imperceptiblement.

— À l'origine, vous étiez médecin. Vous auriez pu mener une vie honorable, une existence décente, n'est-ce pas ?

Il n'y avait ni accusation ni jugement dans sa voix. Juste une curiosité sincère, peut-être même une pointe de regret.

Lise resta silencieuse une seconde, pesant ses mots. Parce que la réponse était plus complexe qu'un simple choix de vie. Parce qu'elle-même n'était pas sûre qu'un chemin différent aurait changé quoi que ce soit.

Un sourire amer effleura ses lèvres.

— Une vie décente… murmura-t-elle enfin.

Un rire presque imperceptible, teinté d'ironie, s'échappa de sa gorge. Lucci l'entendit comme une dague crissant sur une pierre à aiguiser. Cobra resta interdit, mais lui comprit aussitôt : ce rire n'était pas anodin. C'était une pique, un éclat d'amertume et de défiance.

— Une vie décente ? répéta-t-elle, son ton oscillant entre le sarcasme et une lassitude mordante. Je ne sais même pas ce que c'est.

Les mots tombèrent comme un couperet. Lucci observa Cobra, qui ne laissa rien paraître. Pourtant, l'impact était là. Comme si ce concept pouvait avoir une définition universelle. Comme si cette femme pouvait l'aspirer. Elle n'était pas de ceux qui rêvent d'une existence paisible. Elle était trop marquée pour cela.

Cobra tenta une autre approche, une faille à exploiter.

— Et la vie que vous meniez à Drum, en tant que médecin ?

Son regard changea imperceptiblement, une ombre traversant son visage.

— Ah, ça ? fit-elle avec un détachement feint. C'était l'enfer.

Aucune trace de regret. Juste une constatation. Un fait brut, sans appel. Lucci connaissait ce ton. Celui de ceux qui avaient vu l'impensable et en avaient fait un pilier de leur existence.

Cobra demeura silencieux, mais il était évident que sa réponse le troublait. Lucci, lui, savait qu'elle disait vrai.

Elle reprit, sa voix plus douce, presque insidieuse.

— Savez-vous ce qu'on faisait aux orphelins de Drum, ceux sans personne pour les protéger ?

Un instant de silence, juste assez pour que l'attente pèse. Lucci sentit le poids de chaque mot avant même qu'ils ne tombent.

— On les envoyait à Frostheim. Là-bas, on leur retirait jusqu'à leur humanité pour les refaçonner selon les besoins. Si vous étiez intelligent, on vous permettait d'étudier à la haute école de Drum pour devenir médecin. Sinon… vous deveniez un sujet d'expérimentation. Et la mort n'était plus qu'un espoir lointain.

Lucci ne bougea pas. Mais il comprenait.

— Voilà la vérité sous le prestige des grands médecins de Drum.

Sa voix était calme, mais la rancune affleurait sous la surface, froide et acérée. Une haine qui avait eu le temps de mûrir.

— Après la chute de Frostheim, le gouvernement a fermé l'école. Et ma vie sans éclat a continué. J'ai obtenu mon diplôme, enseigné la chirurgie. Peut-être aurais-je été heureuse, si j'avais su ce que cela signifiait ?

— Puis le roi est mort et son incapable de fils a pris le trône. Wapol.

L'air sembla vibrer sous ce nom. Elle poursuivit, implacable.

— Il a visité notre établissement. Par tradition, nous l'avons accueilli avec fierté. J'étais la plus jeune professeur, c'est moi qui ai été chargée de la visite. Une journée n'aurait pas suffi tant le site était vaste... Mais ce que j'ignorais, c'est qu'il n'était pas venu pour ça. Il me voulait, moi.

Elle s'interrompit, son ton neutre, presque détaché.

— Il est revenu. Il me harcelait. Il voulait m'épouser.

Lucci ne sourcilla pas. Il avait vu trop de tyrans abuser de leur pouvoir pour être surpris.

— Moi, tout ce qui comptait, c'était mon scalpel, ma table d'opération, le patient entre la vie et la mort.

Sa voix s'assombrit.

— Un jour, alors que j'opérais une enfant atteinte de leucémie, il a fait irruption dans le bloc, un bouquet à la main, exigeant un rendez-vous. J'ai refusé. Si j'arrêtais, elle mourait.

Lucci devina la suite avant qu'elle ne la prononce.

— Il a sorti un pistolet et l'a tuée.

Un silence. Froid. Insoutenable. Lucci ne broncha pas.

Cobra, figé, n'osait plus bouger. Il connaissait la cruauté de Wapol, mais il n'avait jamais entendu une histoire aussi brutale, aussi glaciale. Lise, elle, ne bougea pas. Son visage était un masque, dénué de la moindre émotion. Elle avait déjà raconté cette histoire auparavant, et elle la raconterait encore, avec la même sécheresse, la même absence de douleur apparente.

— Et ensuite ? demanda-t-il, sa voix basse, neutre.

Elle tourna les yeux vers lui, le fixa un instant, comme si elle hésitait à répondre. Comme si elle sondait la véritable raison de sa question. Puis, finalement, un sourire s'étira sur ses lèvres.

— Ensuite ? répéta-t-elle, amusée.

Elle croisa les bras, s'adossa plus confortablement contre son siège, laissant planer une tension insidieuse.

— Ensuite, je suis restée là, à fixer le cadavre de cette enfant, le scalpel encore à la main, les gants pleins de son sang. Le bouquet de roses écrasé sur sa plaie, se gorgeant de rouge. Puis les autres internes hurlant de panique et enfin le rire de ce gros porc infame fier de lui. De rage, je lui ai lancé que je préférais arrêter de pratiquer plutôt que de l'épouser.

Lise se mit à rire, comme si c'était le bon vieux temps.

— Et je n'aurais jamais cru qu'il me prendrait aux mots. Il a pris les vingt plus grands médecins, les a logés dans son palais et fit passer un décret : tous ceux pratiquant la médecine ou une activité s'en rapprochant seraient tués. Et en effet, très vite il y eut des morts. Beaucoup de morts.

Cobra eut un terrible frisson, dire qu'à Alabasta ils manquaient de médecins et que dans les plus grands pays du monde on faisait des pieds et des mains pour accueillir ne serait-ce qu'un médecin, même jugé incompétent à Drum… ce qui signifiait extrêmement compétent n'importe où ailleurs… quel gâchis !

- Mais malgré tout... poursuivit Lise, il n'a pas cessé. Chaque personne à qui je parlais, chaque vie que je touchais... il les a tuées.

Lucci, silencieux, écoutait attentivement. Son regard, d'un calme glacial, ne trahissait aucune émotion, mais une lueur malsaine brillait dans ses yeux. Il comprenait la pulsion de Wapol, cet appétit vorace, cette obsession dévorante. Lise était une pièce précieuse, un trophée inestimable, se dit-il intérieurement. Il n'y avait qu'une seule manière de la posséder, de la plier à sa volonté. Et si elle résistait... la détruire était une autre option, tout aussi satisfaisante.

À Drum, il suffisait d'un rhume pour mourir. Pour être soigné, il fallait plier genou, s'agenouiller devant lui. Et ceux qui osaient soigner malgré cela, ceux qui agissaient en dehors de ses règles, étaient condamnés. Lucci comprenait cela parfaitement. Si quelque chose était si précieux, pourquoi ne pas l'arracher à tous ceux qui osaient y toucher ? Elle était si rare, si singulière... Qui d'autre que moi pourrait la mériter ?

Lise reprit, son regard sombre.

— Et plus le temps passait, plus il me cherchait. Lorsqu'il a découvert que j'étais une orpheline de Frostheim, tout a basculé. Pour lui, je n'étais plus qu'une possession. Il croyait avoir droit de faire ce qu'il voulait de moi.

Elle s'arrêta un instant, comme si les souvenirs ravivaient la douleur. Lucci, cependant, ne semblait pas affecté. Il ne ressentait que la froide logique de la domination, du contrôle absolu. Posséder ou anéantir, il n'y avait pas de troisième voie.

— C'est là que j'ai dû fuir. Un ami m'a sauvé, et c'est ainsi qu'on a fondé Colorless Butterfly, du nom de cette chanson d'Emiliae Soprano, la cantatrice pirate. À l'époque, je ne savais pas qu'elle faisait partie de l'équipage de Carl Snow.

Cobra, après un dernier regard furtif vers Lise, tourna les talons et s'éloigna lentement. Les échos de ses pas se mêlaient au léger murmure du vent, mais il semblait vouloir se débarrasser de l'emprise de l'instant. Ce moment, cette conversation qu'il avait eu avec Lise, restait suspendu dans l'air comme une brume épaisse. Il savait qu'il y avait quelque chose de plus profond derrière ses mots, quelque chose qu'il ne pourrait jamais saisir entièrement. Et c'était cette incertitude qui le rongeait. Lise, en revanche, restait là, seule avec ses pensées et sa chanson.

Elle reprit les paroles, les fredonnant doucement dans le silence, comme si la mélodie était une compagne familière, une confidente de longue date. Papillon sans couleur, elle se perdit dans la poésie de ses mots, chaque syllabe flottant dans l'air comme une promesse silencieuse. Le vent souleva ses cheveux blancs, et son regard se fixa sur l'horizon, là où la lumière du soleil déclinait lentement. Cette chanson, cette rengaine qui était devenu le nom de leur organisation, là où tout avait débuté des années auparavant...C'était devenu son reflet, un miroir d'âme qu'elle observait, à la fois fascinée et distante.

Papillon sans couleur…

Ces mots résonnaient profondément en elle. Ils décrivaient son propre voyage, sa lutte incessante pour s'élever dans un monde où les ombres et la lumière se confondaient. Elle, une femme d'acier, une commandante d'une organisation sans pitié, une pirate dont les ambitions étaient aussi vastes que l'océan lui-même. Mais au fond d'elle, Lise savait qu'elle ne pouvait échapper à la chute. Tout le monde tombait un jour. Le monde était un grand bal de miroirs brisés, et elle en faisait partie, sans pouvoir y échapper.

Dans ton vol, tu es destinée à tomber…

Le vent fit bruisser les tissus autour d'elle, comme si les airs eux-mêmes fredonnaient la chanson. Et pourtant, il y avait une vérité plus douce dans ces paroles, une vérité qu'elle seule semblait comprendre. Ce n'était pas la chute qui était importante, mais le moment où l'on se redresse, où l'on trouve la force de se relever. Car ce n'était pas la fin qui comptait, mais ce qu'on en faisait. Elle sourit, presque imperceptiblement. Cette chanson avait capturé son essence, mais elle savait aussi que son voyage ne se terminerait pas de manière aussi simple.

Le monde ne saura ni ne pleurera…

Elle ferma les yeux un instant, comme si elle laissait la brise emporter les pensées qui s'agitaient dans son esprit. Elle savait que les hommes comme Cobra, comme les autres rois et empereurs, étaient aveugles à ce qui se cachait derrière son apparence de froideur. Il pensait peut-être que tout était déjà décidé pour elle, que son chemin serait pavé de ruines. Mais il se trompait. Tout dans sa vie, tout dans son existence, avait été une série de choix, de révoltes contre les attentes. Et cette chute, cette fin inévitable qu'elle chantait, elle l'accepterait à sa manière, quand le moment viendrait.

Les ailes qui ont tout donné…

Elle s'interrompit, laissant la dernière ligne flotter dans l'air. Elle savait, bien sûr, que ses ailes portaient des cicatrices. Qu'elles portaient les marques de toutes les batailles qu'elle avait menées, des ennemis qu'elle avait écrasés, des rêves qu'elle avait brisés. Mais elle n'avait pas peur de ça. Parce que dans son monde, ce qui comptait, ce n'était pas la chute. Ce n'était pas le vol effréné vers l'inconnu. C'était la manière dont on affrontait la tempête, dont on persévérait malgré les vents contraires. Et Lise, ce papillon sans couleur, était prête à voler plus haut que jamais, même si le monde ne la remarquerait jamais.

Elle se leva lentement, secouant la poussière de ses vêtements, son regard s'accrochant à l'horizon. Le vent soufflait plus fort maintenant, emportant avec lui l'écho de sa chanson.

Dans l'ombre, elle vole seule,
Des ailes de silence, un cœur de pierre,
Une danse délicate, un secret muet,
Son chemin tissé de fils d'or.

.

Elle est un murmure dans le vent,
Un rêve fugace qui ne s'efface pas,
Sans couleur, mais pleine de feu,
Brûlant doucement, s'élevant plus haut.

.

Papillon sans couleur,
Dans l'obscurité, tu déploies tes ailes,
Poursuivant des étoiles qui ne meurent jamais,
Une chanson que seul le silence appelle.
Papillon sans couleur,
Dans ton vol, tu es destinée à tomber,
Mais le monde ne saura ni ne pleurera,
Les ailes qui ont tout donné.

.

À travers la nuit, elle avance invisible,
Une lueur d'espoir, une reine d'ombre,
Indomptée par les vents du destin,
Une âme intacte par l'amour ou la haine.

.

Ses ailes sont douces, mais coupantes comme des lames,
Traçant des chemins à travers des vies brisées,
Un symbole de ceux qui errent,
Perdus dans des lieux où ils ne trouvent pas leur maison.

.
Papillon sans couleur,
Dans l'obscurité, tu déploies tes ailes,
Poursuivant des étoiles qui ne meurent jamais,
Une chanson que seul le silence appelle.
Papillon sans couleur,
Dans ton vol, tu es destinée à tomber,
Mais le monde ne saura ni ne pleurera,
Les ailes qui ont tout donné.

.
Et quand l'aube commencera à se lever,
Ses couleurs s'effaceront, son cœur tremblera,
Un voyage sans fin, mais si bref,
Elle disparaîtra, une feuille fanée.

.
Papillon sans couleur,
Dans l'obscurité, tu déploies tes ailes,
Poursuivant des étoiles qui ne meurent jamais,
Une chanson que seul le silence appelle.
Papillon sans couleur,
Dans ton vol, tu es destinée à tomber,
Mais le monde ne saura ni ne pleurera,
Les ailes qui ont tout donné.

.
Papillon sans couleur,
Vole à jamais dans la nuit,
Ton histoire jamais racontée,
Mais ton âme brillera infiniment.

Lucci se tenait dans l'ombre, son regard perçant posé sur Lise qui, dans le jardin, chantait doucement. Elle ignorait totalement sa présence, croyant être seule dans ce moment d'intimité. Ses yeux la scrutaient avec une attention presque fébrile, capturant chaque geste gracieux, chaque variation dans sa voix qui montait et descendait avec la brise légère.

Il n'y avait rien de plus envoûtant que de la voir dans ce cadre paisible, presque vulnérable, loin de la froideur et de la rigueur qu'elle imposait habituellement. Ce moment où elle semblait oubliée de tout, seule avec sa mélodie, laissait apparaître une facette d'elle que Lucci trouvait à la fois séduisante et intrigante.

Un sourire effleura ses lèvres, mais il était différent de ceux qu'il offrait habituellement. Ce sourire n'était pas cruel, ni calculateur. C'était un sourire discret, empreint de curiosité et de fascination, presque doux. Elle est belle ainsi, pensa-t-il. D'une beauté qu'il n'a jamais fallu conquérir, seulement observer.La voir dans sa tranquillité, exposée dans sa simplicité, réveillait quelque chose de plus profond en lui. Ce n'était pas la domination ou la conquête qui lui venait en tête, mais plutôt un désir étrange de partager ce moment, de l'entendre encore, de ne pas déranger cette bulle fragile qu'elle avait créée autour d'elle.

Ce chant… pensa-t-il. Il me touche plus que je ne veux bien l'admettre.Il la regardait, les traits de son visage adoucis par la lumière déclinante du soir. Elle croit qu'elle est seule, qu'elle se cache derrière cette chanson. Mais c'est là, dans sa vulnérabilité, qu'elle est la plus belle.

Sa main se leva, comme si, sans y penser, il voulait toucher l'air entre eux. Mais il se retint, presque par respect. Je pourrais la rejoindre, lui parler… Mais pas encore. Pas maintenant.Lucci se sentit alors pris d'un étrange désir : celui de la garder pour lui, de préserver cette version d'elle qu'il venait de découvrir, d'une douceur et d'une fragilité qu'il n'aurait jamais imaginées. Il ne s'agissait pas de la posséder. C'était plus subtil que cela.

Il ferma les yeux un instant, se laissant envahir par la sensation de la scène. Peut-être que dans un autre monde, nous serions juste là, ensemble, sans arrières-pensées, juste… écoutant la même mélodie. Quand il rouvrit les yeux, Lise tourna légèrement la tête, comme si elle avait senti sa présence, mais ne le remarqua pas tout de suite. Un léger frisson parcourut Lucci. C'est tout ce que je veux, en ce moment. Que cette chanson ne cesse jamais, que ce silence entre nous reste intact.

Sans un bruit, il s'éloigna lentement, tout en laissant un dernier regard sur elle. Un regard chargé d'un sentiment qu'il n'aurait su nommer, mais qu'il comprenait. Un sentiment qui ne se résumait ni à la haine ni à la possession, mais à une forme de respect mutuel qui flottait, imperceptible, dans l'air. Ce n'est pas le moment. Mais il viendra.

A suivre ...