Chapitre 39 : Drum
Lise avait tout juste terminé sa mission à Alabasta, une mission marquée par une formalité déguisée en fête. Le bal avait été un spectacle de diplomatie, d'accords tacites, de sourires forcés, et de mains serrées sous des masques de courtoisie. Mais Lise n'était jamais dupe. Elle savait que ces rituels n'étaient que la surface, dissimulant les tensions sous-jacentes, les rivalités étouffées, et la fragilité de chaque promesse échangée. Alors qu'elle observait la scène, son esprit ne faisait que dériver, calculant déjà la prochaine étape de ses projets, avec cet air glacial qui ne la quittait jamais.
Après avoir scellé l'accord, elle n'eut pas l'intention de traîner dans ce climat étouffant. La chaleur d'Alabasta, la poussière du désert, l'humidité du soir; tout cela la mettait à l'agonie. C'était un cadre bien trop oppressant pour elle, cette sensation d'enfermement qui la transperçait à chaque respiration. Lise n'était pas faite pour cette chaleur. Elle rêvait déjà du froid pur et saisissant de Drum, de ses montagnes enneigées, de l'air glacé qui la revigorait, la ressourçait.
Sans plus d'hésitation, elle se tourna et quitta la salle du bal avec une absence totale de cérémonie, sans un mot, sans un regard. Personne ne s'avisa de la retenir. Le vent soufflait fort, chargé de sable, tandis que Lise s'approchait du bord de la fenêtre de sa chambre d'hotel.
Cette fois, ce n'était pas pour admirer l'horizon, mais pour partir. Son séjour à Alabasta touchait à sa fin. Elle avait obtenu ce qu'elle voulait : un accord scellé, des promesses arrachées, et l'assurance que tout se déroulerait comme prévu. Mais la chaleur pesante, les regards calculés, les intrigues… tout cela lui pesait. Elle n'aspirait plus qu'à une chose : retrouver le froid mordant de Drum.
Ses sacs en bandoulière étaient fermement attachés à ses épaules, ballottés par la brise encore tiède du désert. Son katana, solidement fixé dans son dos, vibrait légèrement sous la pression du vent. À son poignet, son Eternal Pose brillait sous les premières lueurs de l'aube, pointé vers sa destination. Lise ne jeta pas un regard en arrière. Alabasta ne la retiendrait pas.
D'un simple mouvement, elle fit appel à son pouvoir. Une bourrasque violente s'éleva autour d'elle, soulevant le sable en spirales capricieuses. Son corps se détacha lentement du sol alors que le vent la portait vers le ciel, l'enveloppant comme une entité vivante. Lise s'éleva rapidement, échappant à l'étreinte du désert sans un bruit.
Alors qu'elle prenait de l'altitude, la silhouette d'Alubarna s'effaçait derrière elle, avalée par l'immensité dorée. Devant, l'horizon s'assombrissait, et bientôt, la mer s'étendit sous ses pieds. L'air se rafraîchissait peu à peu, les courants violents annonçaient la frontière entre le désert et l'hiver.
La tempête était là. Violente, imprévisible, furieuse. Mais elle n'était rien face à elle.
Les vents rugirent autour d'elle, la propulsant toujours plus vite. La mer en contrebas grondait, mais Lise ne faiblit pas. Elle savait où elle allait.
...
Il l'avait vue partir. D'un coup, sans prévenir, comme une rafale de vent insaisissable. Chargée de sacs, son katana attaché dans son dos, habillée d'une sorte de survêtement molletonné qui tranchait avec l'image qu'il avait d'elle à Alabasta. Lucci comprit immédiatement : elle quittait l'endroit. Son affaire ici était terminée.
Mais pourquoi partait-elle seule ? Où étaient son imposant majordome, cette montagne de muscles à l'aura oppressante, et cette fille agaçante au regard trop insistant, celle qui souriait comme une prédatrice prête à bondir ? C'était étrange. Louche, même.
Alors il la suivit.
Dès le départ, il sut que ce serait un enfer.
Le Soru, son atout habituel, n'était rien face à la vitesse qu'elle atteignait en utilisant son pouvoir. Elle disparaissait entre les bourrasques, chaque rafale la propulsant plus loin. Il dut redoubler d'efforts pour ne pas la perdre, bondissant de vague en vague, ses pieds effleurant la surface tumultueuse de l'océan. Mais la mer était en furie.
Les vagues se dressaient comme des murs, immenses, prêtes à l'engloutir. À plusieurs reprises, il crut que la tempête allait le submerger. L'eau était chaude, presque bouillante, vestige du désert brûlant qu'il venait de quitter. Mais il n'eut pas le temps d'y penser. Il devait continuer, malgré le vent hurlant, malgré les éclairs déchirant le ciel, malgré l'écume qui lui fouettait le visage.
Puis, brutalement, tout changea.
La mer brûlante devint glaciale en un instant. Il ne vit pas l'île, pas encore. Juste un champ d'icebergs, dressés comme des dents affûtées à la surface de l'eau. Le froid le frappa de plein fouet, lui arrachant un frisson incontrôlable. Son souffle devint plus court. La transition était trop brutale. Son corps n'était pas préparé à un tel choc thermique.
Drum.
Il comprit aussitôt où elle allait.
Lise, elle, avançait toujours, insensible au vent polaire, comme si le froid était son allié. Lucci, lui, sentit immédiatement le choc thermique l'assaillir. Ses muscles se crispèrent sous l'effet mordant du givre, son souffle formait déjà de petits nuages blanchâtres dans l'air glacial. L'eau salée imbibant ses vêtements ne faisait qu'aggraver la sensation de froid qui s'insinuait jusqu'à ses os.
Mais il ne comptait pas s'arrêter là.
Fermant les yeux un bref instant, il activa son Zoan, forçant son corps à générer davantage de chaleur. Sa température corporelle grimpa aussitôt, repoussant le froid avec une rage animale. Ses muscles, eux aussi, se réchauffèrent sous l'effet de la transformation, et il accéléra brutalement.
Drum. Une île où il n'avait jamais mis les pieds. Un territoire gelé et inhospitalier, couvert d'icebergs et de montagnes enneigées. Une île où, pourtant, Lise avait grandi et vécu, jusqu'à ce que le destin en décide autrement. Il avait du mal à croire qu'un pays aussi reculé, battu par le froid, ait pu être un centre médical reconnu. Comment des médecins avaient-ils pu sauver des vies dans un endroit aussi isolé et impitoyable ?
Les bourrasques fouettaient son visage alors qu'il bondissait d'iceberg en iceberg, sa vitesse décuplée par son corps modifié. Chaque saut le rapprochait un peu plus de la terre ferme, un peu plus de son objectif.
Et enfin, il posa le pied sur la glace dure du rivage.
L'air était glacial, aussi coupant qu'une lame de fer. Le vent hurlait à travers les étendues gelées de Drum, soufflant la neige en tourbillons blancs, comme des fantômes qui s'agitaient au gré des rafales. Le royaume, un désert de glace et de montagnes inhospitalières, semblait n'avoir jamais connu le réconfort d'un soleil bienveillant. Ses habitants, durs et résignés, semblaient faits du même métal que leur terre : froids, impitoyables, et toujours prêts à lutter pour survivre.
Dans ce paysage d'hiver infini, une silhouette se détachait, à la fois étrange et imposante. Rob Lucci, vêtu de son manteau sombre, contrastait avec l'environnement. Sa présence, bien que silencieuse, semblait perturber l'harmonie brute de cette terre gelée. Ses vêtements, fins et noirs, n'étaient pas faits pour résister aux rigueurs du climat. Son regard, déterminé, scrutait l'horizon neigeux tandis qu'il avançait d'un pas mesuré, parfaitement conscient de l'attention qu'il suscitait. Il n'était pas un homme qui se perdait dans ses pensées ; chaque mouvement était calculé, chaque détail observé.
Les habitants de Drum, des hommes et des femmes aux visages burinés par le vent et le froid, avaient l'habitude de tout observer avec méfiance. Ce n'était pas un endroit où l'on pouvait se permettre de montrer de la faiblesse, et ceux qui n'étaient pas nés dans cette contrée en subissaient immédiatement les conséquences. Leurs yeux se braquaient sur Lucci, curieux mais aussi suspicieux. Ses habits, trop raffinés pour un endroit aussi hostile, ne laissaient aucun doute sur le fait qu'il n'était pas de ceux qui appartiennent à ce monde rude. Ses bottes en cuir luisant, ses gants, et la coupe élégante de son manteau étaient un contraste frappant avec les fourrures épaisses et les vêtements de peau d'animaux qui constituaient la norme parmi les Drumiens.
Quelques enfants, les joues roses du froid, observaient en silence, le souffle court, fascinés et intimidés par l'étranger. Les adultes, eux, ne se faisaient aucune illusion. Ils murmuraient entre eux, échangeant des regards furtifs, évaluant cet inconnu avec l'acuité d'une bête sauvage sur le point de chasser. Ce n'était pas un lieu pour les voyageurs, et encore moins pour un homme qui ne semblait pas savoir se vêtir comme il se devait. Leur regard disait tout : il n'est pas d'ici, qu'est-ce qu'il cherche ?
Les pas de Lucci le conduisirent finalement devant un modeste marché de vêtements en fourrure, une échoppe sommaire mais bien tenue, qui dégageait une chaleur accueillante. La petite boutique, à peine plus grande qu'une cabane, avait des fourrures de toutes sortes accrochées aux murs. Il pouvait sentir l'odeur de la laine et du cuir qui s'en dégageait, un parfum d'animalité, de survie. Il poussa la porte avec une lenteur réfléchie, ses yeux cherchant déjà des pièces adaptées à ses besoins.
À l'intérieur, une vieille femme drapée dans une épaisse peau de bête était en train de réparer une peau de caribou, l'air impassible. Elle leva à peine les yeux en voyant Lucci entrer, probablement habituée à la variété des clients qui s'aventuraient dans ce coin oublié du monde.
Elle se contenta de lâcher, d'une voix rauque :
— Tu cherches à survivre ici, étranger ?
Lucci resta un instant immobile, les yeux rivés sur les étagères rugueuses où s'empilaient des manteaux, des pantalons et des gants faits de peaux de bêtes, d'animaux marins et d'ours. Des vêtements robustes, teintés de la couleur de la terre gelée, qui semblaient faire écho à la dureté de cet endroit. Ici, la survie ne se mesurait pas en termes de richesse ou de confort, mais en fonction de l'aptitude à affronter les éléments.
Il n'avait pas l'habitude de chercher refuge dans de tels endroits. Ce genre de boutique était bien loin de ses habitudes d'acheteur impitoyable, plus habitué à forcer des négociations ou à éliminer des obstacles que d'accepter un marché. Mais dans cette terre glacée, tout le reste était devenu secondaire. La chaleur, l'agilité, le confort, tout ça n'était que des détails face à ce froid mordant qui s'infiltrait sous chaque vêtement et transperçait l'âme.
Son regard se posa enfin sur un manteau particulièrement imposant, fait de fourrure d'ours, la fourrure dense et soyeuse couvrant toute la longueur du vêtement. Ce manteau était conçu pour affronter les pires frissons du froid de Drum, un froid capable de pétrifier l'homme en quelques minutes. Ses doigts glissèrent sur les poils épais, comme pour juger la solidité du tissu, avant de l'enrouler autour de ses bras. Il était dur à assumer, ce manteau, aussi massif qu'une seconde peau, mais il n'avait pas le choix. Il se sentait vulnérable dans cette terre qui, par sa seule existence, lui rappelait qu'il n'était qu'un être humain, non une machine inaltérable.
Le bruit de ses gestes attira l'attention de la vieille femme, qui, depuis son comptoir, cousait lentement, les mains tremblantes de vieillesse et d'expérience. Elle ne leva même pas les yeux, comme si elle savait déjà que cet homme n'était qu'un autre étranger qui passerait par là avant de repartir aussi vite qu'il était venu.
— Tu sembles chercher plus qu'un simple manteau. La terre de Drum ne te donnera rien que tu ne mérites pas. Ce n'est pas un endroit où tu peux cacher ta faiblesse. Si tu veux survivre, il te faudra plus qu'un manteau. C'est 500 Sakuramark. Pas plus, pas moins.
La simplicité de ses mots frappait comme une claque, dure et cruelle. Lucci déglutit légèrement, puis son regard se baissa vers la liasse de Berrys qu'il tenait toujours dans sa main. Ce n'était pas un montant qui se perdait dans sa poche sans qu'il n'y prête attention, mais la dure réalité frappait son esprit. Il n'était pas ici pour négocier avec des pièces brillantes.
— Vous ne prenez pas les Berrys ici ? demanda-t-il, une pointe de surprise, voire d'agacement dans la voix. La vieille femme n'avait même pas l'air de comprendre la question, ou plutôt elle n'en avait que faire.
Elle leva légèrement la tête, ses yeux de fauve ne cillant même pas à l'extrême froideur qui émanait de Lucci.
— On peut pas se le permettre. répondit-elle d'un ton sec, sans aucune trace de déférence. On utilise le Berry uniquement pour acheter en groupe à d'autres îles. Le Sakuramark est une monnaie basée sur l'argent et le troc. Elle haussait les épaules, comme si ces explications n'étaient qu'une évidence. Si tu peux pas payer, étranger, tu peux toujours aller chasser sur la banquise et me ramener un ours ou un phoque.
Lucci fronça les sourcils. Il n'était pas un chasseur, et encore moins un homme qui se souciait de la difficulté d'obtenir un simple manteau dans un endroit aussi aride. Il s'était attendu à plus de prévenance, peut-être même à un prix plus raisonnable. Mais ici, dans cette terre oubliée, il n'était qu'un autre visiteur qui devait s'adapter à des règles qu'il ne comprenait pas, et encore moins à des gens qui ne se souciaient pas de ses attentes.
Il se leva lentement, son regard glissant sur l'étagère une dernière fois avant de se poser sur la vieille femme. Chasser sur la banquise ? Ce n'était pas ce qu'il avait prévu, mais après tout, le froid de Drum ne le tuait pas encore, et il savait que la nécessité pouvait le rendre plus pragmatique.
Avec un dernier regard vers la vieille, qui n'avait toujours pas quitté son ouvrage, il tourna les talons et sortit de la boutique. Le vent glacé s'engouffra immédiatement, frappant son visage avec une force implacable, comme un rappel brutal de la nature de ce monde. Il savait que les choses étaient différentes ici. Le confort et les règles de son monde ne valaient rien dans cet endroit de désolation.
Sa main serra les Berrys dans sa poche, la frustration bouillonnant en lui. Retourner sur la banquise pour chasser… C'était absurde. Mais cette terre n'était pas faite pour les hommes comme lui. Il s'y adapterait. Après tout, il avait surmonté des épreuves bien plus complexes. Son esprit se fixa à une idée : Lise. Chaque pas qu'il faisait le rapprochait un peu plus d'elle. Il la retrouverait, même si cela signifiait se salir les mains dans ce monde primitif. L'orgueil ne tenait pas dans ce genre de contrée.
...
Quelques heures plus tard, l'étrange silhouette de l'étranger se dessina à l'horizon, une forme sombre qui se détachait contre le fond de neige immaculée. Le vent soufflait fort, emportant des flocons dans des tourments furieux. Au fur et à mesure qu'il s'approchait, les habitants du village eurent un moment de silence, figés par la scène improbable qu'ils apercevaient : un homme, vêtu de noir, portant sur son dos une créature gigantesque, le fameux roi de la banquise.
L'ours, un monstre des glaces, aux griffes acérées et à la fourrure d'un blanc presque aveuglant, était une vision de cauchemar. Ses dimensions immenses en faisaient une légende parmi les chasseurs locaux, capable de fendre les eaux glacées à la recherche de phoques et de baleines, et d'attaquer sans prévenir quiconque s'aventurait trop près de son territoire. C'était un prédateur aussi respecté que craint. Une créature dont la simple présence marquait le territoire, une terreur des étendues gelées.
Les regards se tournèrent rapidement vers l'étrange homme portant le monstre sur son dos. Ce dernier, encapuchonné et dans des vêtements sombres, avançait avec une aisance déconcertante, comme si la bête ne pesait rien. Les habitants, dont certains avaient l'habitude de voir ces créatures, ne pouvaient détacher leurs yeux du spectacle. Ils n'avaient jamais vu un étranger porter un tel trophée.
Soudain, un homme du village, un chasseur robuste aux traits marqués par le froid et les années de lutte contre la nature, s'approcha du nouveau venu. Un sourire satisfait étira ses lèvres rugueuses, et il héla :
— "Étranger ! Je te donne deux mille sakuramark pour la carcasse ! Qu'en dis-tu ?"
Le sourire du chasseur était carnassier, confiant. Il pensait avoir trouvé une occasion en or. Un ours de cette taille, c'était une fortune qu'il pouvait revendre en pièces détachées : viande, peau, griffes, tout avait de la valeur ici. Il s'apprêtait à faire affaire quand soudain, un autre homme, encore plus bourru, sortit d'un atelier de forgeron non loin, une grande épée de métal à la ceinture. Ses yeux, durs comme de la pierre, se posèrent sur la carcasse avec un calcul immédiat.
— "Tu comptes vraiment te faire entuber, l'étranger ?" dit-il d'une voix rauque. "Une bête pareille vaut au moins trente mille sakuramarks ! Les plus beaux morceaux de viande peuvent même se vendre à la capitale. Et la peau n'est pratiquement pas abîmée."
Il s'approcha de l'ours, ses yeux évaluant chaque partie de la créature, comme un expert qui savait exactement ce qu'il regardait. Il continua, un sourire goguenard sur les lèvres :
— "On dirait presque qu'elle est morte étouffée, mais regarde cette peau... elle pourrait servir de tapis aux élites de Sakuraberg."
Le forgeron se tourna alors vers l'étranger avec une lueur d'avidité dans les yeux.
— "Quant à moi, j'aimerais t'acheter les os de la carcasse. Je suis forgeron, tu vois. C'est du matériel de qualité, bien meilleur que tout ce que j'ai sous la main."
Rob Lucci, qui observait la scène d'un air stoïque, haussait un sourcil. Il avait l'habitude des négociations, mais ici, il était un étranger, un homme sans racines. Ses vêtements sombres, toujours inadaptés à la froideur de cette terre, ne semblaient pas susciter une sympathie immédiate parmi les habitants, mais l'apparition de l'ours le plaçait soudainement au centre de l'attention.
L'homme au sourire satisfait, le premier chasseur, attendait toujours une réponse. Quant au forgeron, il scrutait chaque morceau de la créature avec une fixation presque obsessionnelle. Mais Rob savait qu'il n'était pas venu pour les sakuramarks, ni pour les tractations autour d'une carcasse.
Il posa ses yeux froids sur le forgeron et, avec une voix grave et calme, répondit :
— "Je ne suis pas ici pour vendre ou acheter de la viande, mais pour un autre type de transaction. Je cherche Lise Kureha, savez vous où elle se trouve ?
Lucci sentit l'atmosphère se figer autour de lui, comme si l'air s'était densifié d'une menace invisible. Le silence qui s'installa après ses mots était presque palpable. Les habitants, qui jusqu'à ce moment l'avaient observé avec une curiosité teintée de méfiance, se tenaient désormais immobiles, leurs regards rivés sur lui. Même le vent sembla s'arrêter de souffler, comme s'il aussi attendait une réaction.
Il n'eut pas le temps de comprendre pleinement la portée de ses paroles avant que le forgeron, son regard devenu aussi froid et acéré que le métal qu'il forgeait, répliqua d'une voix dure et glacée :
— "La vieille ! Donnes-lui son manteau, je paierai pour lui. Et je t'achète ton ours aussi, pour quarante mille sakuramark."
Les mots tombèrent comme des coups de marteau sur l'enclume, et immédiatement, les murmures parcoururent la foule. Lucci sentit la tension augmenter, bien au-delà du simple échange de paroles. Il n'avait pas réalisé à quel point il venait de s'aventurer dans un territoire aussi imprégné de mystères et de loyautés silencieuses.
Lucci l'ignorait, mais cette somme représentait une véritable fortune. Assez pour acheter une maison dans le village, la faire construire, et vivre confortablement pendant des années, sans avoir à se soucier de ses besoins matériels. Une occasion que peu de gens dans ce village glacé pouvaient espérer.
Mais ce qui le frappa surtout, c'était la menace implicite dans les paroles du forgeron. Ce dernier ajouta, sans perdre de temps et d'un ton implacable :
— "Ne remets plus jamais tes pieds ici. Ceux qui cherchent des noises à la mademoiselle, ne ressortent jamais en vie de cette île. Personne."
A suivre ...
