Jazzy02girl : merci beaucoup pour tes reviews, c'est motivant :) voici le chapitre 3, le chapitre 4 est presque prêt, et ensuite j'ai encore pas mal de travail de réécriture.

Chapitre 3

Vingt et un … Vingt deux … Hep viens là toi! Brittany se pencha pour ramasser une pièce qui venait de rouler sous la table. Elle soupira en posant les quelques gallions sur le comptoir de la chambre d'hôtel. Elle avait beau les compter et les recompter, elle arrivait toujours au même résultat : il ne lui restait plus assez pour se permettre le moindre luxe. Une nuit de plus ici et elle serait à court de ressources.

Elle poussa un second soupir, plus bruyant, avant de s'asseoir sur le bord du lit, massant ses tempes douloureuses. L'angoisse montait. Elle regrettait maintenant son emportement. Mais que faire ? Retourner chez son père était hors de question. Quant à revenir chez Rogue… Elle frissonna à cette idée. Il serait furieux, elle en était certaine.

Outre son arrogance insupportable et son ton cassant, elle soupçonnait chez lui une violence latente. Il y avait une noirceur dans son regard, une froideur dans sa voix qui la glaçaient. Et tous ces livres de magie noire qui traînaient… Elle n'avait pas besoin de chercher bien loin pour deviner ses accointances avec Voldemort. Rien que cette pensée la fit se recroqueviller un peu plus.

Sa famille aussi avait toujours flirté avec l'obscurité. Son père, s'il n'avait pas été aussi souvent ivre mort, aurait sans doute rejoint les rangs du Seigneur des Ténèbres. Seigneur, tu parles … Il est surement aussi noble qu'un elfe de maison … Elle laissa son regard errer sur le plafond usé de la petite chambre. Les lattes de bois montraient des traces d'humidité, et une légère odeur de renfermé flottait dans l'air.

Elle n'avait jamais voulu de ce mariage. Pas plus qu'elle n'avait voulu cette vie. Mais fuir comme elle l'avait fait, est-ce que cela avait résolu quoi que ce soit ?

Si je rentre, il va me tuer, pensa-t-elle en mordillant sa lèvre inférieure. Si je vais voir mon père… et que je lui explique que je n'aime pas cet homme, qu'il est exécrable et qu'il me fait peur… Elle s'imagina la scène, son père saisissant une bouteille de whisky comme un gourdin, vociférant : "Tu es la honte de la famille !" Un sourire amer flotta sur ses lèvres. Non, il n'était pas mieux, celui-là.

Dernière solution : trouver un travail. Elle grimaça à cette idée, non pas parce qu'elle rechignait à travailler, mais parce que tout semblait jouer contre elle.

D'abord, son silence. Qui voudrait embaucher une femme qui refuse de parler ? Et même si elle surmontait cet obstacle, elle savait qu'elle n'avait aucune qualification dans le monde sorcier. Elle n'avait jamais étudié à Beauxbâtons, malgré ce que son père prétendait. En réalité, il l'avait inscrite dans des écoles moldues, et pas les plus prestigieuses, loin de tout ce qui pouvait éveiller ou renforcer sa magie. Elle n'avait jamais eu de baguette, et sa connaissance du monde magique se résumait à ce qu'elle avait pu observer de loin.

Elle avait songé travailler dans le monde moldu, mais l'expérience avait tourné court. À dix-neuf ans, alors qu'elle avait été forcée de rentrer au Royaume-Uni auprès de son père sans avoir pu poursuivre des études dans le supérieur, désespérée de trouver un semblant d'indépendance, elle avait décroché un poste de caissière dans un supermarché. Les premières semaines avaient été une bouffée d'air : l'environnement était prévisible, presque apaisant, et elle se surprenait à croire qu'elle pourrait y trouver sa place. Mais un jour, tout avait basculé. Un client, furieux d'une erreur sur sa monnaie, avait commencé à l'accuser de vol devant les autres clients. Brittany, tétanisée, avait essayé de mimer une explication, mais sa panique grandissante avait déclenché un incident magique.

Les lumières du magasin avaient vacillé, plongeant les allées dans une pénombre étrange. Les caisses s'étaient mises à afficher des montants absurdes, et des produits étaient des étagères dans un fracas assourdissant. Les clients, choqués, s'étaient éloignés en murmurant, et le manager, rouge de colère, l'avait renvoyé sur-le-champ. Elle n'avait même pas eu la force de protester.

Sa magie, elle l'avait muselée, littéralement et symboliquement, pour éviter d'utiliser ce pouvoir qu'elle ne comprenait pas et qui lui avait déjà coûté si cher. Enfant, elle avait appris à associer sa voix à sa magie, et sa magie au danger. Depuis, elle avait fait le choix de ne pas parler, croyant qu'en muselant sa voix, elle contenait aussi la menace qu'elle représentait. Elle savait pourtant que ce n'était pas le cas, mais briser ce silence lui semblait impossible.

Un soupir lui échappa. Comment réussir un entretien d'embauche quand on était de toutes façons incapable de de vendre auprès d'un employeur? Elle n'avait aucune confiance en elle et en ses compétences. Brittany avait grandi avec l'impression de ne jamais être assez : pas assez forte, pas assez intelligente, pas assez douée pour affronter le monde seule. Son père lui avait ancré cette idée à coups de remarques cruelles et d'humiliations constantes. Et maintenant qu'elle était mariée à Rogue, cette impression s'était amplifiée. Elle se sentait comme une imposture, un fardeau. Ses échecs passés, réels ou imaginaires, formaient une chaîne qu'elle n'avait jamais su briser.

Et si son mari avait déjà alerté son père de sa fuite ? Cette pensée s'imposa à elle comme une gifle. Rogue n'était pas homme à tolérer qu'elle le quitte sans en avertir personne, et son père ne manquerait pas d'unir ses forces à celles de son époux pour la retrouver. Cette hypothèse la fit se redresser brusquement, la gorge nouée. L'idée même de revoir son père la remplissait de terreur. Elle n'avait aucune envie de faire face à ces deux hommes, qui ne manqueraient pas de la ramener de force dans un univers qu'elle fuyait désespérément.

Son estomac, à cet instant, choisit de protester bruyamment. La faim interrompit ses réflexions, et elle se leva pour aller chercher de quoi déjeuner. Dans la petite salle commune de l'hôtel, elle s'installa à une table près de la fenêtre, les quelques gallions serrés dans sa main. Le serveur, un homme bedonnant à l'air timide, s'approcha avec lenteur. Brittany lui montra sur la carte qu'elle souhaitait un sandwich, espérant écourter leur échange. Mais l'homme ne bougea pas. Il resta planté là, les yeux fixés sur elle. Mal à l'aise, Brittany détourna le regard et tapota nerveusement la table du bout des doigts.

Après ce qui lui sembla une éternité, l'homme sembla soudain faire un lien, ou se rappeler quelque chose. Ses yeux s'illuminèrent et il se retourna brusquement, si vite que Brittany sursauta. Elle le suivit du regard, perplexe, tandis qu'il s'éloignait à grands pas sans un mot.

Elle sentit son cœur s'accélérer. Quelque chose ne tournait pas rond.