Chapitre 8
Le matin s'annonçait gris et mélancolique. Brittany feuilletait distraitement un livre, affalée dans le fauteuil de sa petite chambre d'hôtel. Une légère pluie martelait les vitres, accompagnant ses pensées d'une mélodie monotone. C'est alors qu'un bruit de froissement l'interrompit. Sur le rebord de la fenêtre, un hibou battait des ailes, un paquet attaché à sa patte. Intriguée, elle s'empressa de laisser l'oiseau entrer et de dénouer l'enveloppe.
Elle ouvrit soigneusement le colis et en sortit une jolie robe aux teintes profondes et élégantes. Une rose rouge, encore perlée de rosée, accompagnait le vêtement. Brittany découvrit enfin un petit mot glissé dans l'emballage :
"Je crois que vous êtes partie sans prendre de vêtement chaud. Il fait froid à Poudlard, j'ai trouvé cette robe, j'espère qu'elle vous plaira. Cela ne suffira sans doute pas à me faire pardonner, mais je suis vraiment désolé pour ma conduite et j'espère que nous pourrons repartir du bon pied. Severus."
Elle relut le billet plusieurs fois, chaque mot résonnant dans son esprit. Ses pensées s'égarèrent vers son époux, cet homme si froid, si difficile à comprendre. Pourtant, à cet instant, il ne semblait plus tout à fait le goujat qu'elle avait imaginé. Une chaleur étrange l'envahit, et elle se prit à espérer que, peut-être, la discussion de ce soir serait simple, qu'ils pourraient aborder les choses posément et convenir ensemble de ce qui semblait évident : ils n'étaient pas faits pour être ensemble.
Brittany consacra une grande partie de sa journée à chercher une solution pour se rendre à Poudlard. Sur un morceau de parchemin, elle écrivit ses questions au réceptionniste de l'hôtel, espérant obtenir des informations sur les moyens magiques de transport. Après un échange de messages, elle découvrit que la cheminée du Tsar était reliée au Réseau de Cheminées et qu'elle pouvait ainsi rejoindre Pré-au-Lard directement. Cette révélation fut un immense soulagement, dissipant une part de son appréhension.
Le soir venu, Brittany se prépara avec soin. Elle enfila la robe reçue plus tôt, découvrant avec surprise qu'elle lui allait parfaitement. Le tissu, d'un bleu profond, semblait fait pour mettre en valeur son teint pâle. Bien qu'elle ait craint que sa maigreur ne soit trop visible, la coupe de la robe la flattait, épousant ses formes avec élégance sans trop les dévoiler. La matière, douce et chaude, tombait avec fluidité, ajoutant une note de raffinement inattendue.
Elle se regarda dans le miroir, notant que le bleu faisait ressortir ses yeux, leur donnant une intensité qu'elle n'avait pas remarquée depuis longtemps. Je suis presque jolie, songe-t-elle avec une pointe de mélancolie. Ce constat, loin de la réjouir, la mit mal à l'aise. Elle ajusta une dernière fois la ceinture avant de détourner son regard du miroir. Ce n'était qu'une robe, rien de plus, se rappela-t-elle en attrapant sa cape et ses lourdes bottes.
Elle n'avait pas besoin d'être jolie ce soir. Elle avait besoin d'être claire, d'en finir, et de tourner la page.
La traversée jusqu'à Poudlard fut loin d'être une promenade de santé. Brittany arriva à Pré-au-Lard et dut affronter une pluie battante sur le chemin jusqu'au château. Ses bottes glissaient dans la boue, et sa cape était trempée. Lorsqu'elle franchit enfin le grand portail, elle était épuisée et ruisselante. Rusard l'accueillit avec une moue réprobatrice, marmonnant des paroles incompréhensibles et l'entraîna vers le château à grandes enjambées.
Dans le hall d'entrée, Severus Rogue attendait, ses bras croisés et son visage impassible, bien qu'une lueur d'agacement dansait dans ses yeux noirs. Lorsqu'il aperçut Brittany, trempée et frissonnante, un soupir exaspéré lui échappa.
— On ne vous a donc pas appris de sort de protection contre la pluie à Beauxbâtons ? lança-t-il d'un ton sec.
Elle leva vers lui un regard légèrement amusé, un petit sourire désolé se dessinant sur ses lèvres. Cette réaction inattendue le déstabilisa, mais ce fut autre chose qui capta son attention. Il réalisa qu'il ne l'avait jamais vue utiliser une baguette. Cette constatation le mit étrangement mal à l'aise, une sensation qu'il chassa rapidement en agitant la sienne pour lancer un sort de séchage.
Brittany retira ses grosses lunettes embuées, révélant un visage marqué par la fatigue, mais adouci par la lumière dansante des torches. Rogue l'observa une fraction de seconde de trop, et malgré lui, il fut frappé la beauté de ses yeux qu'il n'avait jamais remarqué auparavant. Avec sa robe bien ajustée, ses cheveux encore légèrement humides, et cette expression presque paisible, il la trouva jolie.
Cette pensée le contraria immédiatement. Serrant les mâchoires, il se renfrogna et se détourna brusquement. Sans un mot de plus, il fit volte-face, ses robes flottant derrière lui, et s'engagea d'un pas rapide vers les cachots.
— Suivez-moi, dit-il d'une voix froide, sans se retourner.
Brittany, un peu surprise, le suivit sans opposer de résistance, ses pas résonnant doucement dans les couloirs sombres du château.
Ils s'arrêtèrent devant une porte massive, ornée d'un serpent se mordant la queue. Le portrait d'un vieillard assoupi sur le mur se réveilla en sursaut lorsque Rogue se racla bruyamment la gorge et prononça un mot de passe. La porte s'ouvrit, révélant le salon aux couleurs sobres mais élégantes.
Rogue entra et s'installa dans un fauteuil, croisant les jambes avec une précision presque militaire. Brittany, restée debout près de la porte, scrutait la pièce, son regard hésitant voyageant d'un meuble à un tableau, comme si elle cherchait un point d'ancrage pour calmer son appréhension.
— Asseyez-vous, proposa-t-il d'un ton plus neutre, en désignant un canapé placé non loin de lui.
Elle s'exécuta, s'installant timidement sur le bord du canapé. Ses mains glissaient nerveusement sur le tissu de sa robe, tirant légèrement sur l'ourlet.
— Du thé?
Elle acquiesça en silence, et avec un léger mouvement de baguette, il fit apparaître une théière en porcelaine et deux tasses sur la table basse. L'arôme apaisant du thé infusé remplit l'air.
Un moment passa dans un silence tendu, avant que Rogue ne rompe la quiétude :
— Pourquoi m'avez-vous caché que vous pouviez parler ?
Brittany se redressa légèrement, ses mains se crispant sur le tissu de sa robe. Elle sembla réfléchir, cherchant ses mots, puis répondit doucement :
— Cela me regarde.
Rogue plissa les yeux, irrité par la réponse évasive.
— Nous sommes mariés.
— Contre ma volonté, rétorqua-t-elle presque aussitôt, sa voix brisée mais ferme.
Ses mains tremblaient. Elle plongea une main dans sa poche, en sortit un petit tube argenté qu'elle ouvrit, puis porta discrètement un comprimé à sa bouche, l'avalant avec une gorgée de thé.
Rogue fronça les sourcils.
— Combien d'autres secrets du même genre gardez-vous pour vous ? demanda-t-il, sa voix devenant plus dure.
Brittany releva lentement la tête vers lui. Ses yeux brillaient d'une tristesse insondable, et un sourire faible, presque imperceptible, se dessina sur ses lèvres.
— Vous refusez d'utiliser une baguette. Pourquoi ?
Brittany détourna les yeux, le regard fixé sur les flammes dans la cheminée.
— Parce que la magie ne m'a rien apporté de bon, finit-elle par dire, sa voix à peine plus qu'un murmure.
— Pourquoi?
Brittany pris une gorgée de son thé, sans répondre. Un silence pesant s'installa. Rogue, mal à l'aise, prit une inspiration profonde. Dumbledore lui avait conseillé de faire preuve d'humour pour détendre l'atmosphère, un terrain sur lequel il était peu familier. Mais il devait essayer.
— Brittany, savez-vous pourquoi les chaudrons ne discutent jamais entre eux ? (Pause dramatique) Parce qu'ils savent qu'ils finiront toujours par remuer les mêmes histoires, ajouta-t-il, un brin maladroit.
Un silence glacé suivit la tentative. Brittany le fixait, partagée entre la surprise et un malaise palpable.
— Nous n'allons pas pouvoir continuer comme cela … concéda t-il après un moment.
Il ferme les yeux et laissa s'échapper un soupir. La vérité ? Il ne savait pas quoi faire. Il n'avait aucune solution. Pas cette fois. Il ne savait pas comment la séduire. Lui avouer qu'il l'avait épousée sur ordre du Seigneur des Ténèbres ? Non, certainement pas. Pas comme ça, pas maintenant. Lui demander de l'accompagner à la réunion ? Ce serait se heurter à un mur. Brittany ne lui faisait ni confiance, ni allégeance. Elle n'était pas de celles qui se pliaient facilement, malgré ses apparences frêles et sa maladresse.
Il secoua la tête pour chasser l'idée, mais une autre, plus sombre, s'insinua dans son esprit. Après tout, pourquoi demander l'accord de Dumbledore? Il pouvait la contraindre. Une potion, un imperium… Non. Même lui avait des limites, et la simple idée le laissa amer.
Il soupira à nouveau, se maudissant intérieurement.
— Je souhaitais vous demander de rentrer à la maison. Je suis à Poudlard désormais, vous ne me croiserez pas.
Elle le considéra longuement avant de hocher la tête.
— D'accord. Je rentrerai demain.
Il acquiesça. Un mélange de soulagement et de déception s'installa en lui. Il baissa les yeux sur sa tasse vide, ses pensées tourbillonnant. Trop de pensées, trop de regrets. Il en avait assez de s'embarquer dans des situations impossibles où tout semblait déjà perdu avant même qu'il ne bouge le premier pion.
— Hum. Merci… pour la robe, la rose et le mot, ajouta Brittany, sa voix empreinte de douceur. J'ai été touchée par votre attention.
Rogue cligna des yeux, pris au dépourvu. Il se reprit rapidement, haussant un sourcil comme pour masquer son trouble.
— Je suis… ravi que cela vous plaise, murmura-t-il en serrant les dents.
Mais Brittany comprit aussitôt. Ce n'était pas lui. L'intention n'était pas vraiment la sienne, et cela se lisait dans son regard fuyant.
— Je vous raccompagne jusqu'à votre hôtel, proposa-t-il, déjà debout.
Le trajet se déroula dans un silence pesant. Rogue, malgré lui, sentait monter une tristesse sourde, presque écrasante. Une sensation d'échec le tenaillait, plus forte qu'à l'accoutumée. Il s'en voulait. Il s'en voulait d'être… lui. Un raté. Sa vie défilait dans son esprit. Sa mère, qu'il n'avait pas su protéger de la violence de son père. Lily, qu'il avait perdue à cause de sa stupidité et de ses choix déplorables. Son engagement auprès du Seigneur des Ténèbres, qui n'avait fait que creuser sa solitude et ternir ce qu'il lui restait d'humanité. Même sa carrière de professeur ne trouvait pas grâce à ses yeux. Il n'était pas fait pour enseigner ; il n'avait ni la patience ni la chaleur nécessaires. Et maintenant… Brittany. Elle méritait sans doute mieux que lui. C'était une évidence douloureuse. Il s'en voulait de l'avoir épousé, de l'avoir embarqué dans cette histoire. La gamine n'avait rien demandé.
Alors qu'ils atteignaient les portes, une silhouette familière apparut. Dumbledore, debout au loin, les salua d'un geste chaleureux. Brittany s'approcha à grand pas de lui.
— Soyez gentil et mêlez-vous de vos affaires, vieux schnock ! siffla-t-elle avant de tourner les talons avec une fureur froide.
Dumbledore esquissa un sourire, amusé.
— Les deux mêmes… murmura-t-il pour lui-même.
Rogue la regarda s'éloigner, abasourdi. Un élan d'admiration inavouée monta en lui. Pour la première fois, il était presque… fier de sa femme.
