Chapitre 47:

Brittany retrouva Joshua Carrick à Pré-au-Lard, un sourire affable accroché à son visage. Le ciel était couvert, un froid mordant planait sur le village, mais cela n'avait pas l'air de déranger son cavalier improvisé. Il la salua avec un enthousiasme un peu trop marqué avant de l'inviter à marcher avec lui dans les rues pavées.

Quel plaisir de vous voir, Brittany ! J'espère que vous avez passé une bonne matinée.

Elle hocha la tête en réponse et sortit un carnet de note, griffonnant rapidement :

"Plutôt agréable, merci. Et vous ?"

Carrick sembla amusé par cette manière de converser et poursuivit sur tout et rien : la qualité des biscuits au gingembre de chez Honeydukes, le nouveau tissu à la mode chez Madame Guipure, les décorations de Noël dans les vitrines. Brittany l'écoutait d'une oreille distraite, répondant de temps en temps par écrit, mais elle ne se détendait pas totalement. Il était trop à l'aise, trop sûr de lui.

Et elle ne tarda pas à voir son instinct se confirmer. D'abord, ce fut un contact anodin : sa main frôlant légèrement son bras alors qu'ils avançaient dans la rue bondée. Puis des compliments glissés négligemment, sur son sourire, sa grâce naturelle, sa "présence unique", son écriture charmante, ses yeux qui parlaient pour elle. Ridicule. Brittany n'était pas dupe. Au départ, il n'avait manifestement aucun intérêt réel pour elle, et voilà qu'il testait soudainement le terrain, incapable de s'empêcher de jouer son rôle de séducteur.

Comme pour accentuer son numéro, Carrick l'entraîna dans quelques boutiques, prétextant vouloir lui faire découvrir des choses intéressantes. Brittany se laissa faire, plus par curiosité que par réel enthousiasme, elle qui avait écumé les boutiques avec Hagrid deux jours avant. Jusqu'au moment où il disparut un instant et revint avec une rose rouge, l'air faussement solennel.

Pour vous remercier de m'accorder un moment aussi plaisant, annonça-t-il avec un sourire charmeur.

Brittany arqua un sourcil, attrapa la fleur sans grande conviction et nota rapidement sur son carnet :

"Je suis sûre que vous offrez ce genre d'attentions à toutes les femmes que vous croisez."

Carrick eut un rire léger.

Je ne nierai pas avoir un certain talent pour flatter les dames. Mais vous, Brittany… vous êtes différente.

Elle ne releva pas. Elle avait eu ce qu'elle voulait : de quoi intriguer Dumbledore.

J'aimerais beaucoup vous revoir, ajouta Carrick d'un ton charmeur.

Brittany lui adressa un sourire poli et haussa les épaules, laissant planer le doute. Après quelques échanges de politesses, Brittany s'éloigna, vérifiant discrètement qu'il ne la suivait pas. Il ne savait pas qu'elle résidait au château, et elle comptait bien garder cela ainsi. Une fois certaine qu'il était hors de vue, elle reprit le chemin de Poudlard, serrant son écharpe contre elle pour contrer le froid mordant.

Rogue tournait en rond dans leur appartement depuis un long moment, jetant des regards furtifs à l'horloge. Lorsqu'il entendit enfin la porte s'ouvrir, il s'arrêta net… puis fit aussitôt mine d'être occupé, feuilletant un livre d'un air détaché avant de s'asseoir dans son fauteuil.

Brittany ne fit aucun commentaire. Tranquillement, elle posa ses affaires et, sous son regard discret mais attentif, elle prit la rose et la plaça dans un vase sur la table.

Rogue fronça imperceptiblement les sourcils.

Comment cela s'est-il passé ? demanda-t-il d'un ton neutre.

Brittany haussa les épaules.

C'était ennuyeux à mourir.

Rogue releva lentement la tête.

Vraiment ?

Brittany lui lança un regard en coin, guettant la moindre réaction.

Il m'a promenée dans tout le village et s'est écouté parler pendant une bonne partie du rendez-vous.

J'ose espérer que cette expérience t'a permis de mieux comprendre la frustration que tu infliges aux autres.

Tu te plaignais quand j'étais muette, et maintenant tu te plains que je parle trop.

Il eut un léger sourire, mais son regard restait scrutateur.

Rien d'autre à signaler ?

Brittany hésita.

Que veux-tu savoir?

Je ne sais pas … Une explication pour la rose, peut-être?

Il ne peut pas s'empêcher de draguer tout ce qui passe.

Le livre de Rogue se referma dans un bruit sec.

Et quand tu dis «tout ce qui passe» tu parles de toi, j'imagine? demanda-t-il d'un ton faussement détaché.

Brittany lui lança un regard en coin, amusée par le contraste entre sa voix calme et la crispation à peine perceptible dans sa posture, mais ne répondit pas.

Réponds.

Brittany posa lentement son écharpe qu'elle avait toujours autour du cou sur le dossier d'une chaise, prenant un malin plaisir à prolonger son silence. Rogue restait immobile, son expression impassible, mais elle connaissait suffisamment ses moindres réactions pour voir la tension dans sa mâchoire, la façon dont ses doigts s'étaient légèrement crispés contre l'accoudoir.

Oui. Il a tenté.

Un silence tomba dans la pièce. Rogue détourna brièvement le regard, mais son poing s'était refermé sur son genou. Brittany vit l'infime tressaillement de ses lèvres, la manière dont il avala discrètement sa salive, comme s'il ravalait une remarque acerbe.

Et ? finit-il par demander, la voix plus rauque.

Et rien. Il a joué son numéro, il a cru que j'allais me pâmer pour une rose, j'ai levé les yeux au ciel, et nous sommes passés à autre chose.

Il hocha la tête lentement, mais quelque chose dans son expression n'était pas convaincu.

Je vois.

Non, il ne voyait rien du tout. Brittany le savait. Il essayait de masquer son trouble, mais la jeune femme le voyait dans la tension de ses épaules et ce léger plissement de lèvres qui trahissait un doute qu'il refusait d'admettre. Elle poussa un léger soupir et attrapa la baguette de son mari qui était posée à côté de lui avant de la lui tendre.

Tu veux voir ce qu'il s'est passé ?

Rogue arqua un sourcil. Il hésita. C'était un piège, forcément. S'il acceptait, elle y verrait une preuve de sa jalousie. S'il refusait, elle pourrait penser qu'il ne se souciait pas d'elle. Il serra brièvement les mâchoires.

Non, je te crois.

Severus, regarde par toi-même, s'il te plait. Je n'ai pas envie de me disputer avec toi. Je préfère vraiment que tu constates par toi-même qu'il ne s'est rien passé.

Ils se défièrent du regard quelques instants. Puis, sans un mot, Rogue prit la baguette et la pointa sur sa femme. Et ce qu'il vit le rassura. Pas tant par le comportement de Carrick, qui s'était bel et bien montré entreprenant, mais par le ressenti de Brittany qu'il percevait à travers le souvenir : amusement, agacement, un soupçon de mépris. Aucun trouble. Aucune hésitation.

Lorsqu'il se redressa, son expression s'était légèrement détendue.

Je vois, dit-il simplement.

Un sourire effleura ses lèvres. C'était suffisant. Elle s'approcha et l'embrassa brièvement avant de s'écarter.

Je dois aller voir Minerva, indiqua-t-elle en attrapant à nouveau sa cape.

Il hocha simplement la tête, mais son regard suivit chacun de ses mouvements jusqu'à ce qu'elle quitte la pièce. Il resta immobile quelques secondes, son pouce effleurant distraitement la couverture de son livre. Il aurait aimé se persuader que tout cela n'avait aucune importance. Mais force était d'admettre que cette femme occupait une place un peu trop importante dans son esprit.