Chapitre 51:

La rentrée était arrivée rapidement, balayant les derniers restes de la trêve fragile des fêtes. Severus et Brittany attendaient avec impatience le retour de Drago à Poudlard, bien conscients de la pression que Lucius exerçait sur lui. Rogue, en particulier, savait que Voldemort ne tolérait pas l'échec et que son ancien camarade devait désormais s'assurer que son fils reste un élément utile au Seigneur des Ténèbres.

Le souvenir du réveillon du Nouvel An lui revint en mémoire.

Ils avaient reçu une invitation de Narcissa, une rare soirée privée qui réunissait leur couple, Drago et ses parents. Brittany et lui avaient hésité à accepter, mais refuser aurait paru suspect. Ils avaient donc affronté l'atmosphère lourde et tendue du Manoir Malefoy, où l'élégance feutrée ne masquait pas la menace omniprésente qui planait sur la famille.

Dès leur arrivée, Lucius s'était montré courtois, mais Rogue avait perçu sa méfiance. Après les événements de la fête de Voldemort, après l'altercation avec Rodolphus Lestrange, il était évident que Lucius cherchait à comprendre la nature réelle de leur couple. Ses questions, déguisées sous une politesse glacée, visaient à percer les apparences.

Mais ce n'était pas le plus préoccupant. Drago n'allait pas bien. Ce n'était pas seulement une fatigue passagère ou une lassitude due aux vacances. Son regard était fuyant, ses épaules voûtées, sa mâchoire crispée. Il mangeait peu, parlait à peine, et à chaque fois que Lucius posait les yeux sur lui, une tension sourde s'installait.

Drago, reprends-toi, avait fini par lâcher son père d'un ton tranchant, alors que le silence s'éternisait autour de la table.

Le jeune homme n'avait pas relevé la tête, continuant à fixer son assiette. Lucius avait posé lentement sa coupe et l'avait fixé, une lueur froide dans les yeux.

Je t'ai donné un ordre, Drago.

Un ordre, oui… avait murmuré Drago, plus pour lui-même que pour son père.

Severus avait senti immédiatement le danger. Drago, malgré toute sa peur, arrivait à un point de rupture. Et Lucius aussi.

Tu crois que tu peux te permettre de douter ? avait poursuivi Lucius, sa voix devenant plus coupante. Tu crois que tu as le choix ? Après tout ce que j'ai sacrifié pour toi ? Tu as une mission, Drago, et tu traînes, tu hésites. Le Seigneur des Ténèbres commence à se poser des questions. Dois-je lui dire que mon propre fils est un lâche ?

Drago avait relevé enfin la tête, son regard brûlant de colère contenue.

Si je suis un lâche, c'est parce que tu m'as fait ainsi.

Le silence qui avait suivi avait été glacial. Narcissa, jusqu'ici figée, avait eu un mouvement imperceptible, comme si elle retenait son souffle. Lucius, lui, s'était levé lentement.

Répète.

Drago ne s'était pas reculé. Il avait trop encaissé, trop souffert, et pour la première fois, il osait défier son père.

Tu es terrorisé, toi aussi, avait-il soufflé. Et tu me demandes d'être plus fort que toi ?

Le bruit sec d'une gifle avait claqué dans la pièce. Brittany avait sursauté, mais déjà, elle s'était levée. Sans un mot, elle s'était interposée entre Lucius et Drago, son regard fixé sur le père furieux.

Lucius, pris de court, l'avait toisée avec mépris.

Écartez-vous, avait-il lancé.

Brittany n'avait pas bougé. Ses yeux parlaient pour elle : Non.

Lucius avait eu un rictus. Il s'était tourné vers Rogue, mais c'est à Brittany qu'il s'adressa, sa voix traînante empreinte de sarcasme :

J'ignorais que vous aviez des velléités maternelles, Madame. Peut-être devriez-vous commencer par avoir un enfant à vous, avant de vous occuper de ceux des autres.

Rogue n'avait pas répondu immédiatement. Son regard était passé de Drago à Brittany, à Narcissa, qui serrait les accoudoirs de sa chaise, immobile mais attentive. Derrière Brittany, Drago était resté immobile, pétrifié. Comme si cette scène lui était étrangère. Comme si personne ne s'était jamais interposé pour lui auparavant. Il avait fixé Brittany, l'air presque incrédule.

Lucius, agacé, avait fini par reculer d'un pas, mais Rogue vit le trouble traverser le visage de Brittany. Elle restait droite, convaincue d'avoir fait ce qu'il fallait, mais il percevait la tension dans ses épaules, cette gêne imperceptible qu'elle n'affichait que lorsqu'elle se sentait exposée. Il inspira lentement avant de prendre la parole, sa voix coupant le silence avec une froideur maîtrisée.

Assez, Lucius.

Son ton était neutre, mais sans appel. Il n'avait pas besoin d'en dire plus. Lucius lui lança un regard indéchiffrable, puis, avec un soupir d'exaspération, se détourna vers Narcissa.

Occupe-toi de ton fils, avait-il lâché d'un ton tranchant.

Puis il avait quitté la pièce.

Le silence était retombé, pesant. Brittany avait posé doucement une main sur le bras de Drago, une pression légère, un réconfort silencieux. Narcissa l'avait observée longuement, puis avait hoché imperceptiblement la tête. Elle venait de comprendre que Brittany pouvait être une alliée.

Rogue sentit une chaleur inhabituelle se répandre en lui à ce souvenir. Brittany n'avait pas hésité. Pas une seconde. Elle était intervenue sans se soucier des conséquences, sans peur. Brittany protégeait Drago comme une mère. Une véritable mère, pas une ombre effacée dans un manoir silencieux. Elle avait cette douceur protectrice, ce besoin instinctif de rassurer, de consoler. Et il se demanda, pour la première fois avec une clarté douloureuse, si elle pourrait être heureuse avec lui, au-delà des mensonges, au-delà de ce mariage imposé. Voulait-elle des enfants ?

À vingt-sept ans, Brittany aurait pu avoir une vie bien différente. Une vie où elle aurait choisi, où elle aurait aimé librement, où elle aurait peut-être fondé une famille… avec un autre. Mais elle était là. Avec lui. Et contre toute attente, ils s'étaient rapprochés. Peut-être plus qu'il ne l'aurait voulu. Peut-être plus qu'il ne l'aurait cru possible. Ils étaient… un couple. La réalisation lui fit l'effet d'une claque. Ils étaient un couple. Pas uniquement par obligation. Mais quel genre de couple ? Étaient-ils destinés à n'être que deux âmes liées par les circonstances, s'accommodant de ce que le destin leur avait imposé ? Ou étaient-ils réellement en train de construire quelque chose de plus profond ? Se pouvait-il que Brittany ressente autre chose qu'un simple attachement né de leur proximité forcée ? L'acceptait-elle par résignation ou pouvait-il espérer… davantage ? Une pensée plus audacieuse encore s'imposa à lui : pourraient-ils, un jour, fonder une véritable famille ?

L'idée le prit au dépourvu. Il ne s'était jamais posé la question. Cette pensée était aussi séduisante qu'effrayante. Severus Rogue n'avait jamais imaginé un avenir où il ne serait pas seul. Il n'avait jamais osé croire qu'il pourrait être digne de quelque chose d'aussi fragile et précieux qu'un foyer. Mais en voyant Brittany, son instinct protecteur envers Drago, la douceur dont elle était capable malgré tout ce qu'elle avait enduré, il se demanda si, pour la première fois, il pouvait se permettre d'espérer.

Une légère pression sur son bras le tira de ses pensées. Brittany venait de revenir dans le salon. Elle s'était approchée de la fenêtre devant laquelle son mari semblait perdu, silencieux, et l'avait enlacé doucement, posant son front contre son épaule.

Severus ? murmura-t-elle. Tout va bien ?

Il resta un instant figé, encore imprégné de ses réflexions, puis abaissa lentement son regard vers elle. Son étreinte était instinctive, naturelle, comme si elle avait toujours eu sa place là, contre lui.

Tout va bien, répondit-il finalement en l'enlaçant à son tour, serrant un peu plus qu'il ne l'aurait voulu.