Avant de partir, Marcus lui massa les épaules. Il ne fallait pas qu'il parte avec toute cette tension qu'il avait dans les muscles. Il fallait qu'il se relaxe.

- Aaaaah... se détendit Solus, assit sur la chaise de son bureau avec, derrière, le jeune soldat qui lui massa les épaules.

- Ça fait du bien?

- Pour le coup, oui... c'est encore mieux qu'hier soir...

- Tes épaules sont petits... C'est normal pour une jeune chouette si tu veux mon avis. Mais pour un dragon... Ouf ! C'est énorme pour moi ! Les humains, c'est normal. Je veux dire, on a des proportions plus ou moins corrects donc le massage est facile.

- Au fait... Qu'est-ce que tu vas faire maintenant quand je serais parti ?

- Moi ? Bah je vais rester ici, pardi ! L'Armée, ce n'est pas du tout mon truc. Mes parents m'avaient forcé à y être mais grâce à toi, j'ai pu m'en échapper. Faire plaisir au chef, très peu pour moi ! Si je n'obéissais pas : des pompes ou alors des corvées !

- Sans vouloir être donneur de leçon, si tu n'obéissais pas, c'était un bon moyen pour toi d'avoir des muscles.

Solus avait le petit sourire narquois en disant ça avant de poursuivre :

- Puisque tu fantasmes là-dessus.

- Oui, je sais mais... en fait... C'est trop dur pour moi... L'effort c'est trop dur ! Ça ne te faisait pas pareil aussi ?

- À ton avis, pourquoi je suis un intello qui lit tout le temps des bouquins sans jamais faire de sport ? Qui se muscle le cerveau plutôt que le corps ? Et qui, par dessus tout, se fait harceler par des enquiquineurs arrogants ?

- À-À toi aussi, on t'harcèle ?

- C'est le cas pour toi ? Tu n'arrives pas à te défendre comme moi avant ?

- O-Oui... En plus, sans te cacher, je ne suis qu'un trouillard... J'ai peur de presque de tout.

- Tu me fais penser à moi, on dirait... Moi aussi, j'avais peur de tout depuis toujours mais depuis que je peux me transformer en dragon, ça va nettement mieux, j'ai confiance en moi. Mais il y a tout de même quelques couacs avec ma vie d'avant.

- Quels genres ?

- Le fait d'avoir peur que des insectes soient attirés par moi par exemple ou même du noir... Oui, je sais, c'est ironique pour une chouette comme moi mais on n'a pas tous le même courage pour l'obscurité ! Je bégaie encore quand je stresse, et il m'arrive aussi d'avoir peur de mon propre reflet lorsque je suis en dragon dans une certaine forme. Elle faisait vraiment peur. En fait, je viens de comprendre que le courage est une force, que ce soit pour le mental ou le physique. Moi, j'avais le courage par la force et non le mental malgré mon intelligence... Sauf une fois avec Molström. Elle m'avait bien servi pour une fois.

- Tu l'avais raconté hier c'est vrai..., se souvenait Marcus. Côté scolarité, j'étais plus souvent dans la lune qu'à écouter les cours... Je n'ai vraiment pas le courage ni dans le physique ni dans le mental...

- Hmmm... À mon avis, tu as celui du mental... Mais il fallait qu'elle se manifeste par une récompense !

Marcus avait terminé de masser Solus, celui-ci faisait craquer sa nuque. Le jeune soldat avait compris d'où il voulait en venir.

- Le fan-service ?

- Gagné !

- Mais... toi ? Qu'est-ce que ce courage mental fait pour se manifester ? Qu'est-ce qui t'a motivé ?

- Je voulais que le monde soit à tout prix restauré comme aux temps des chouettes ancestrales mais pour cela il fallait que je convaincs Molström en lui prétextant quelque chose qu'il aimait en rapport avec la puissance.

- Vraiment, c'était courageux de ta part de te confronter à lui pour le manipuler, à ce qu'il paraît. Jamais je n'oserai faire ça si c'était moi...

- À mon avis, tu l'aurais fait si jamais le monde était en danger.

Solus prévint de son départ à sa mère et partit pour la Tour Ancestrale seul, sous couverture. Pendant ce temps, Otus et Brindille l'attendaient. Le garçon-chouette se cachait derrière le phasme, de peur que Asio débarquerait à tout instant devant la maison de Solus. L'homme-chouette était déterminé à retrouver son élève pour avoir de ses explications. Otus avait expliqué à Brindille pourquoi il s'était caché derrière lui, l'homme-araignée l'encouragea de faire le premier pas.

- Un moment ou un autre, il faudra que tu lui expliques ! Il ne va pas te manger, tu sais ! Sinon je vais te considérer comme une poule mouillée plutôt qu'une chouette !

Il rigolait de sa blague avant de reprendre son sérieux.

- Non, plus sérieusement, si tu ne te sens pas de l'affronter tel que tu es, là, tu peux te transformer... Je crois que Solus m'avait dit que tu pouvais adopter une forme moins imposante, plus proche de la normale...

Otus hochait la tête. Néanmoins, il était nerveux de se transformer devant Brindille, il n'était pas à l'aise... Pour lui, se transformer c'était comme se mettre à nu.

- Hmmm... Quelque chose me dit que tu n'as pas envie de le montrer devant moi... Ah bah alors, fais-le dans endroit discret et puis reviens me le montrer. Je dirais si c'est cool ou pas!

Otus remerciait Brindille en langage des signes et alla dans un coin caché pour se transformer en dragon-chouette humanoïde, en prenant soin de retirer sa cape chouette et ses gants en métal. Il revint quelques petites minutes plus tard.

Otus était vraiment nerveux de cet avis, le phasme n'arrêtait pas de le fixer de la tête aux pattes et voici son verdict :

- C'est vraiment cool ce que tu as là !

- «Vraiment ?»

- Oui, les motifs que tu as sur le visage et les bras sont vraiment classes, ça te va parfaitement !

- «M-Merci...»

- Allez, va montrer à ce vieux Asio que tu n'es pas un trouillard ! Explique-lui ta situation ! Et rappelle-toi qu'il ne va pas te manger ! Tu fais à peu près la même taille que lui dans cette forme !

Ces paroles avaient mis en confiance Otus et s'envola avec ses ailes dragon trouver son mentor. Comment cette confrontation va-t-elle se passer? Asio va-t-il lui crier dessus comme il avait l'habitude de le faire ? Ou alors le renier parce que son élève se transformait en dragon ? Il n'avait que lui comme famille.

En le voyant de dos, Otus avait vraiment peur de sa réaction, il attérit derrière lui. Celui-ci lui parlait sans se retourner, les bras croisés.

- Tu es en retard, Otus.

Puis il décroisa les bras, se retourna, face à lui, en colère. C'était prévisible.

- OÙ ÉTAIS-TU DURANT TOUT CE TEMPS ?! Je m'étais fait un sang d'encre, tu sais !

Le garçon-chouette, dans sa forme de dragon-chouette humanoïde, ne faiblissait pas, il était prêt à affronter cette colère. En temps normal, il aurait dû être prostré car effrayé par les cris d'Asio mais non, il prenait son courage à deux mains. Il lui expliqua en langage des signes.

- «Pardon, Asio... Je voulais sauver Solus... mais aussi m'amuser un peu...»

- Ce n'est pas une excuse ! Tu avais un entrainement, je te le rappelle !

On dirait qu'il ne faisait vraiment pas attention à l'apparence de son élève... Ne voulait-il pas être brusque là-dessus ?

- «Mais...»

- À cause de cette absence, j'ai pensé qu'il t'arrivait quelque chose de pire !

- «Je sais... Mais je ne voulais pas rester là sans rien faire... Solus avait besoin de moi !»

Asio resta silencieux dessus et lui tourna le dos. Otus avait peur du pire, il s'approcha de lui. Le vieil homme s'assit par terre, Otus fit de même.

- Tu te demandes pourquoi je ne t'ai rien dit sur ton apparence ? Parce qu'il n'y avait rien à dire... 'fin à part une question... quelques questions ! Pourquoi? Comment ça a pu arriver ? Et surtout... pourquoi simuler ton propre enlèvement ? Quel message voulais-tu me faire passer ?

Il eut un moment de silence, Asio essaya de deviner la réponse.

- Tu penses que j'ai été trop sévère avec toi ? C'est pour ton bien que je le fais, Otus. C'est normal que je sois aussi dur avec toi sinon tu ne progresses pas en tant que chouette ! C'est normal que j'ai des attentes aussi strictes c'est pour que tu te surpasse ! Même si tu penses que tu n'y arriveras pas. Et malgré tes échecs, ta persévérance et mes déceptions que j'avais eues envers toi... tu as été un élève remarquable, ne l'oublie jamais.

Ces mots-là, le jeune garçon ne les avait pas oublié et c'était ces mots-là qu'il attendait lorsque son mentor lui faisait un câlin pour s'excuser. Non, ce que Otus lui reprochait c'était de ne pas être drôle dans les moments de détente. Il se confia sur ce détail.

- Ah bon ? s'étonna l'homme-chouette de cette explication. Je suis trop vieux jeu pour m'amuser ? Vous, les jeunes, vous savez vous amuser alors que moi... Je ne sais pas ce qui m'amuse en ces temps difficiles même depuis la chute de Molström... Je n'arrive pas à penser à autre chose qu'à notre avenir.

En effet, malgré la paix qui règne dans le monde des chouettes et des humains, Asio n'arrivait pas à se dire que tout va bien, et l'arrivée d'un dragon rapace nocturne comme Otus (son élève, en plus !) n'arrangeait à rien dans ses inquiétudes. Et visiblement, Asio avait raté une bonne partie des événements en lui posant la question si c'était lui le monstre en question, Otus secouait vivement la tête pour dire «NON !».

- Bah alors, si ce n'est pas toi alors c'est sûrement...

L'homme avait bien entendu assisté à cette réunion secrète au village après la nouvelle rumeur à propos de Solus et il avait presque oublié qu'une partie d'un groupe était pour le jeune garçon-chouette et que l'autre était contre. Il n'avait écouté que quelques bribes de cette réunion tout en étant dans son coin jusqu'au son de la trompette soufflée par Mandolyn. Lui, tout ce qui le préoccupait en ce moment c'était Otus. Il était un peu comme un papa poule malgré qu'il n'était pas marié et n'ait pas d'enfant. Il n'avait que Otus comme famille, tout comme lui qui n'avait que Asio comme famille. La boucle était bouclée.

- ... Solus. Bien sûr, compléta-t-il. Qu'est-ce que je suis stupide... C'était lui.

Otus paniqua et lui tapota l'épaule pour avoir son attention.

- «Tu ne vas pas le dénoncer, hein ? Ni moi, n'est-ce pas ?»

- Hm ? Non, bien sûr que non, Otus. Je ne suis pas du genre à trahir la communauté. Surtout pour une histoire de dragons. Je suis peut-être un vieux grincheux mais pas un traître. Pour moi, il y a toujours une explication claire, nette et précise. Et on doit toujours analyser la situation sinon on risque de faire une bêtise qu'on regrettera plus tard toute notre vie... On a peut-être fait une erreur avec les pirates du ciel mais on ne fera pas celle avec toi et Solus... Surtout Solus.

- «Tu... Tu es avec nous ?»

Otus n'avait pas trop confiance, son mentor le rassura.

- Je ne sais pas combien vous êtes dans le groupe à soutenir le jeune Solus mais en tout cas, moi, j'en fais parti! Aux dernières nouvelles, il est vrai qu'il n'y avait pas eu de victime à déplorer, donc...

En guise de remerciement, le jeune garçon-chouette fit un câlin à Asio, manquant de l'étouffer due à sa force. Il désserra son étreinte en l'entendant tousser et suffoquer un peu.

- «Désolé.»

- Ce n'est rien, ce n'est pas grave...