Étant donné que Geddy était occupé et ne sachant pas quoi faire d'autre aujoud'hui, Otus décida d'aller dans la Grotte de Vellie pour expérimenter sa propre transformation. En chemin, il avait été suivi par les mêmes harceleurs de Solus : Fib et Bonacci. Visiblement, ils avaient changé de cible, n'ayant plus envie d'avoir à faire à l'harfang des neiges qui leur avait tenu tête, il se contentait de leur victime préférée qui était Otus.
Manque de chance, la Grotte de Vellie était strictement surveillée par des gardes et des soldats, Otus n'allait pas pouvoir expérimenter cela tranquillement, il fallait trouver un autre endroit isolé... Tiens, pourquoi pas le lieu secret des Boguins ? Avec leur canon ? Ces petites créatures étaient toujours présentes, elles ne feraient même pas mal à une mouche tellement elles sont sympas.
Otus changeait de direction, le duo aussi, toujours loin derrière pour ne pas se faire repérer. Le jeune garçon s'était toujours demandé si ces petits monstres adorables comprenaient le langage des signes, ils comprenaient forcément le langage corporel, si ce n'est pas le cas pour le langage des signes, il pourra toujours leur écrire quelque chose puisque c'était eux qui avaient écrit la pancarte «Endroit joyeux, par ici, l'ami !».
En arrivant, pas besoin de leurs demander car ils étaient partis vers leur petite place où ils patientaient, juste à coté de la boutique de Buccanary, le «Grand Magasin Légendaire»*. Pensant être seul, Otus alla là où il y avait le canon et commença à se concentrer sur ses souvenirs les plus douloureux émotionnellement. Il y avait d'abord la disparition de ses parents, ça c'était douloureux mais ce n'était pas assez fort car il ne se souvenait plus trop s'il avait vu leur corps ou pas, c'était flou... Mais il se rappelait bien de l'endroit qui l'avait attristé, l'endroit où il avait utilisé le coquillage. Ses parents lui manquaient énormément...
*De l'anglais pour ce lieu : Legendary Adventure Emporium.
Deuxième souvenir douloureux : les attentes strictes d'Asio. Ça c'était vraiment douloureux ! Asio n'arrêtait pas de mentionner qu'Otus le décevait de plus en plus alors qu'il faisait de son mieux pour y arriver... était-ce assez pour déclencher une transformation ? Pas trop... Cette douleur se calmait rapidement en se remémorant le moment où son professeur était désolé de lui avoir subi toutes ses attentes et qu'il était fier de lui. Il se souvenait même qu'il avait éclaté en sanglot dans ses bras tellement il était soulagé que Asio ne le détestait pas vraiment.
Il restait un dernier souvenir douloureux : les moqueries au sujet de son handicap et de ses performances scolaires ainsi que sur sa faiblesse. Ah ça ! Ça avait la peau dure ! Au même moment, au moment même où Otus essayait de se souvenir du dernier souvenir les plus pénibles, Fib s'approcha discrètement par derrière afin de le faire peur par surprise comme elle avait fait la dernière fois à l'avant-poste. Non, elle avait bien une meilleure idée, elle appela son ami Bonacci, à deux c'était drôle pour eux.
- ROOOOOOAAAAAAAAAAAAAAR ! rugissaient-ils ensemble.
La réaction ne se fit pas attendre, Otus eut un très beau sursaut de peur, c'était comme si on faisait peur à un chat et qu'il s'agrippait au plafond! Pour Otus, c'était pareil, instinctivement et même si ce n'était pas un chat, il s'accrochait aux portes en bois du poste de lancement du canon. Il crut que son cœur allait se décrocher, il respirait à plusieurs reprises, les yeux gros comme des soucoupes et les cheveux hérissés par la peur.
Le temps de reprendre ses esprits, Otus se laissa tomber au sol et se relèva pour voir qui était le ou les abrutis qui lui ont fait peur comme ça sans prévenir. Il vit le duo Fib et Bonacci, hilares de leur blague. Encore eux ? Mais ils n'ont rien d'autres à faire dans leur vie ou quoi ?!
- Hahaha ! Je ne m'en lasse vraiment pas !
- À moi non plus ! Il est beaucoup plus peureux que Solus ! T'as vu le décollage qu'il avait fait ? ZOOOM ! Hahahahahaha ! Il est vraiment trop bête ! Comme la dernière fois, il ne nous avait même pas vu arriver !
Et ils continuaient à rire de plus belle. Cette fois, c'en était trop, quelque chose en Otus lui faisait décider que c'était la fois de trop et qu'il était temps d'agir ! Il alla les voir, déterminé et fâché. L'instant d'après, sa tête fut enfoncé dans le sol par Bonacci.
- N'insiste pas, Otus, on ne te le répétera jamais assez : tu es trop faible !
- Hahaha ! Bien dit ! lui félicita Fib. Otus est vraiment trop faible, même s'il a survécu à cette noyade dans l'océan, il le sera et le restera toujours! Il n'aura jamais de médaille pour son héroïsme ! Pareil pour Solus !
- Au moins, il ne risquera pas de le répéter puisqu'il est muet ! Haha !
Tous ces mots qu'il venait d'entendre, c'était vraiment trop pour Otus qui commença vraiment à s'énerver. Ces ingrats ne reconnaissaient absolument pas l'héroïsme de ce jeune garçon et de son ami l'harfang des neiges. Ils auraient préféré que ça soit un véritable héros inconnu plutôt qu'eux. Il exprima sa colère en grognant avec sa voix humaine, il serra ses dents de toutes ses forces tellement la colère l'envahissait.
Dans sa tête, c'était intense comme un mini-séisme. Il prit appui au sol avec ses mains et tenta de se relever, Bonacci s'était assis sur lui en plaquant sa tête au sol, il appuya fermement pour ne pas que Otus ne se relève mais celui-ci, déterminé, réussit tout de même à se lever de son harceleur. Il se retourna, une fois debout, il lui lançait un regard pleine de rage et de haine. Cela ne sentait pas bon pour le duo lorsqu'il vit ce regard sincère et non de la comédie.
Le garçon-chouette s'approchait d'eux. Ils ne l'avaient jamais vu les sourcils aussi froncés et le nez déformé par la colère. Une seule option pour les deux amis : la fuite, et en vitesse ! Sinon ils allaient se faire mordre car Otus en était capable mine de rien. En partant, Bonacci retourna la cape d'Otus sur la tête de celui-ci, couvrant son visage pour ne pas se faire poursuivre par ce dernier, le temps de le distancer. Après être assez éloigné rapidement, le duo pouvait souffler, le fou furieux ne les avait pas suivis ! Ils rentraient à l'école, comme la pause était finie...
Du côté d'Otus, il réussit à remettre à l'endroit sa cape chouette mais était toujours en colère par ce qu'il venait de subir et ça ne retombait pas ! Au contraire, sa colère s'intensifiait de plus en plus et le pauvre jeune garçon ressentit d'un coup des douleurs persistantes à la tête et au corps. Il respirait en grognant. Des petites crocs se formaient à ses dents et grossissaient, des craquements se firent entendre. Otus sentit quelque chose à travers ses gants, il les retirait, essoufflé, son cœur battait à tout rompre. Ses mains commençaient à avoir des griffes qui noircissaient petit à petit, ses doigts grossissaient petit à petit comme l'ensemble de ses mains qui suivaient puis ses avant-bras et ensuite ses bras et pour finir, les épaules. Des écailles commençaient à apparaître.
Comme avec Solus, Otus ressentait des décharges électriques dans les bras et dans les épaules, ça pulsait en lui. Son dos prenait de la masse, ça craquait, son gilet de pull jaune commençait à se déchirer au niveau de l'arrière des épaules. Otus, tombant à genoux, eut la présence d'esprit d'enlever sa cape chouette au moment où la douleur atteignait son dos. Il enleva par la même occasion son gilet, le haut de son corps prenait de la masse musculaire et se couvrit d'écailles, le torse du garçon se couvrit de fourrure blanche avec en plus l'apparition des écailles bruns-rouges sur le dos et les épaules. Assez ironique quand il avait son col blanc qui ressemblait à un collier de plumes pour faire plus chouette, un amas de plumes blanches s'ajoutait autour de son cou jusqu'au torse comme pour prouver que c'était sa signature qui permettait de le distinguer facilement.
Le dos d'Otus craquait de plus en plus, (il criait malgré lui) deux masses, des ailes se formaient et se déployaient petit à petit. Une queue se forma au bas de son dos, déchirant partiellement l'arrière de son pantalon, tandis qu'une espèce de crète de fourrure poussait du haut de son dos, se mêlant à ses cheveux qui commençaient à devenir plus longs ressemblant à une crinière, la crête allait jusqu'à la queue en plein développement. Quelle drôle de sensation de sentir un nouveau membre bouger ! Les ailes c'était plus ou moins inhabituel comme s'il avait des bras en plus.
Les chaussures d'Otus cédaient lorsque ses pieds se transformaient en puissantes pattes arrières et griffues. Ses jambes prenaient de la masse, déchirant les jambes du pantalon. C'était maintenant un «pantacourt» !
À l'exception du visage, Otus avait le corps recouvert d'écailles et de fourrure et avait pris énormément en taille et en masse musculaire, sa voix avait mué (bien qu'il soit muet) en grondement monstrueux. Toujours à quatres pattes à supporter cette transformation, il sentit sa structure osseuse se modifier, il sentait qu'il ne pouvait plus se mettre debout sur ses deux pattes. Vint ensuite la douleur la plus insupportable qu'il craignait : l'allongement de son crâne, son visage s'allongeait comme un museau, son nez se noircissait faisant presque penser à un bout de bec. Des petites plumes jaunes poussaient sur ses arcades sourcilières là où il y avait ses grandes plumes en guise de sourcils. Les poils qu'il avait sur les joues étaient plus longues qu'à la normale. Ses oreilles, également, étaient plus pointues. La fourrure recouvrit seulement la moitié de son visage, le bas de sa mâchoire et ses oreilles étaient en écailles.
La transformation terminée, Otus s'était permis une petite sieste, en mettant ses gants, ces plaques rondes en pierre (des héritages d'après ce que j'avais compris), sa cape chouette et du dispositif de téléportation contre lui pour éviter tout vol. C'était trop mignon lorsqu'il était couché sur le côté, presque en position foetale, les ailes repliées sur soi-même. On pouvait l'entendre ronfler. En pleine forme, il se réveilla et s'étira. Il se regardait et... Ouaaaah ! C'est haut ! Otus était surpris d'être aussi grand, il va falloir s'y habituer. Il regarda derrière, il se mordilla la queue (comme un chien qui se mord la queue, en comparaison, sans tourner sur soi-même, hum...) en faisant attention à ne pas se faire du mal car il savait que ça faisait parti de son corps, il voulait juste s'amuser avec.
Il regardait le ciel, à travers le portail en bois, où sa tête y toucherait presque, il voulait voir s'il pouvait prendre un grand envol avec ses ailes de dragon. Ceux-ci craquaient encore une fois (Otus avait oublié de les déployer complètement) sans douleur, se déployaient de toute leur splendeur et Otus s'envola... en cassant au passage le portail mais ce n'était pas grave, il n'avait pas eu trop mal. C'était tout naturel pour lui de voler, il avait déjà utilisé sa cape chouette, aucune difficulté pour décoller. Le bruit de ses battements d'ailes étaient assez fort et profond, c'était énorme !
En regardant le contrebas, il s'inquiétait pour ses affaires encore intacts (gants, héritages, dispositif...). Oh allez, juste un petit tour !
Il s'éloigna de la zone pour aller se promener. Non loin de là, quatres petites créatures revenaient sur leur «territoire», les Boguins ! Ils trouvaient les affaires d'Otus et les ramassaient pour aller les mettre... en vente. À la boutique de Buccanary. Quelques minutes plus tard, le jeune garçon chouette transformé en dragon revenait de sa petite balade aérienne. Il paniquait lorsqu'il ne retrouvait plus ses affaires, il était sûr de les avoir laissées ici !
Sans le dispositif de téléportation, il ne pouvait pas faire venir Geddy ici pour le couvrir ! C'était une catastrophe ! Et les soldats qui viennent patrouiller aux alentours...
Otus était vraiment inquiet, il était coincé sur le lieu secret des Boguins... Il dût attendre que la nuit tombe pour aller retrouver son meilleur ami en toute discrétion. Laissons Solus se reposer...
Ce soir-là, à Tropos, les soldats patrouillaient encore, ils s'éclairaient grâce à leurs appareils volants, les choppers. Otus se devait faire discret mais avec sa grosse carcasse, ce n'était pas gagné et il n'était pas agile en dragon... Et pire, s'il battait des ailes, il se serait vite fait repérer ! Il ne sait même pas où Geddy pouvait se trouver, il fallait d'abord qu'il retrouve son dispositif de téléportation...
Dès que les appareils détournaient leur faisceau lumineux, Otus put passer furtivement sur la pointe des pattes. Pour se faire discret, il était couché au sol, les ailes repliées sur soi. Il avait l'air inquiet et regardait de droite à gauche. Quand les hélicoptères et les soldats étaient loin de lui, il pouvait voler mais interdiction de grogner !
Et si Buccanary la vendeuse, savait où se trouvait ses affaires ? Otus devait réfléchir sur comment s'adresser à elle sans lui faire peur parce que s'il montrait ne serait-ce que le bout de son museau à travers le pas de la porte de la boutique, elle dégainerai aussitôt son arme, un bazooka. Elle était du genre à ne pas plaisanter, cette femme ! Il suffisait qu'elle le dégainait devant l'un de ses assistants Boguins pour comprendre qu'il ne fallait pas s'y frotter ! Ça faisait depuis un petit moment qu'elle était rentrée de ses vacances, elle avait été remplacé par un poisson avec un haut-de-forme et qui parle. Oui, oui ! Un poisson qui parle ! Et qui portait un haut-de-forme comme chapeau ! Aujourd'hui, ces deux-là travaillaient ensemble.
Otus soupira. Que faire ? Si seulement Solus avait été là...
